En
1967, pendant la révolution culturelle, la jeune Ye Wenjie assiste
au meurtre par les gardes rouges de son père, un astrophysicien de
renom, qui a refusé de renoncer à sa science pendant une séance
d’autocritique. Elle se renferme sur elle-même et part, comme tous
les « jeunes instruits », à la campagne pour aider aux
travaux des champs. Au moment où elle pensait trouver un peu de
chaleur humaine, elle est trahie et accusée d’un crime
contre-révolutionnaire qui aurait dû lui valoir une lente mort dans
un camp de rééducation. Mais ses connaissances en astrophysique en
font un précieux atout dans un projet ultra-secret, avec lequel le
gouvernement chinois cherche à communiquer avec d’éventuels
extraterrestres. Elle est donc sauvée et emmenée vers une base qui
renferme une immense antenne tournée vers l’espace.
Enfermée
dans la base, mais pouvant mettre son savoir et son intelligence à
profit, Ye Wenjie, par un concours de circonstances extraordinaire,
reçoit le premier message d’une civilisation extraterrestre. Et
c’est elle et elle seule qui prend la décision de la réponse,
mêlant ainsi son histoire intime au cosmos.
Près
de 40 ans plus tard, un physicien spécialiste des nanomatériaux,
Wang Miao, est interrogé par des policiers et des militaires sur une
société de scientifiques aux ramifications mystérieuses, et
apprend le suicide de plusieurs physiciens de niveau international
qui en faisaient partie. On lui demande d’infiltrer cette société,
tandis qu’il doit faire face à des phénomènes étranges et
incompréhensibles à son cerveau scientifique. Et peu à peu il
comprend avec fascination et angoisse la nature de ces événements en entrant dans un jeu vidéo
très spécial…
Mené
tambour battant, avec juste ce qu’il faut de science pour que
l’imagination décolle en restant ancré dans un réel qui bascule
lentement, le roman nous entraîne dans un engrenage sur lequel il
semble que personne n’a prise. Le monde tel que nous le connaissons
est déjà en danger, les autorités mondiales semblent en avoir
conscience, tout en restant entièrement démunies.
Chaque
personnage de cette histoire a une personnalité marquée, même les
plus secondaires. Chacun a son rôle dans cette tragédie qui
pourrait se terminer sombrement, sans espoir. Mais chaque acteur de
cette pièce joue son rôle et offre une histoire complexe, marqué
par les affrontements idéologiques, en particulier dans le monde
scientifique, dont on ne nous montre généralement pas les clivages.
Le problème, qui n’est pas qu’à trois corps (encore que ce
dernier suffirait à remplir une vie de physicien), est connu des autorités et du monde scientifique. Les attitudes face à ce danger divergent totalement, et
l’avenir de l’humanité est en jeu, sans qu’aucune solution ne
se profile.
Pourtant,
la désespérance à l’œuvre dans de nombreuses pages est balayée
d’une seule et fulgurante phrase, qui n’est bien entendu pas la
réflexion d’un scientifique. Et s’il faut attendre le second
tome pour (éventuellement, je ne l’ai pas encore lu) savoir si une
solution sera trouvée, au moins les héros de cette histoire
auront-ils repris espoir en leurs capacités à affronter l’avenir.
Métaphore des bouleversements climatiques qui nous attendent ? Coups de griffes à un monde scientifique parfois un peu trop sûr de lui et traversé par des courants rien moins que rationnels ? On peut mettre derrière la prose de Liu Cixin bien des interprétations, mais au final il nous reste un roman bien rythmé qui nous emmène très loin dans l'imaginaire et qu'on a du mal à fermer avant la dernière page pour reprendre le cours d'une vie banale.
En
fin de compte, que deviendrons-nous ? Nous avons 450 ans pour
résoudre ce problème… Ou bien acheter les deux tomes suivants !