Publié comme il se doit chez Gallmeister, dont on connaît désormais l’appétence pour le western, Le tireur est un très court roman de Glendon Swarthout traduit pour la première fois en France en 1975 chez Gallimard. Écrivain plutôt en vue à Hollywood, dans les années soixante et soixante-dix, Glendon Swarthout fut abondamment adapté au cinéma, y compris récemment, puisque le film The Homesman (2014) de Tommy Lee Jones est tiré de l’un de ses romans. Le tireur donna également lieu à une adaptation cinématographique (Le dernier des géants, 1976), sous la direction de Don Siegel. Pour l’anecdote, ce fut l’ultime rôle de John Wayne au cinéma.
1901. El Paso, Texas. John Bernard Books, tireur émérite et ultime survivant d’une lignée de pistoleros légendaires, débarque en ville, tenant tant bien que mal sur une monture fourbue par un long et pénible voyage. Malade, épuisé et désespérément seul, Books trouve moyennant quelques dollars une pension pour l’accueillir, mais le moins que l’on puisse dire c’est que l’accueil que lui réserve son hôtesse est quelque peu glacial. L’homme n’a en effet rien d’un enfant de coeur et son passé de tueur au tableau de chasse long comme le bras est une carte de visite qui n’incite guère à la confiance en ce début de XXème siècle. Le far west est désormais pacifié et la région se civilise, Books n’est plus que l’un des derniers de son espèce, une relique d’un passé violent et désormais révolu. Aussi lorsque la ville apprend que le tireur est atteint d’un cancer incurable, les vautours se massent à son chevet, certains espérant recueillir une once de gloire, dépouiller l’homme de ses derniers avoirs ou récupérer quelque relique du passé, notamment la fameuse paire de Remington qui ont tant fait parler la poudre. Tourmenté par d’atroces souffrances, seul face à une ville qui ne souhaite plus que sa mort, Books voit défiler à son chevet un chapelet de profiteurs en tous genres : quelques têtes brûlées bien décidées à descendre l’une des légendes de l’Ouest, un shérif qui n’attend que sa mort, un croque-mort venu prendre ses mensurations, un photographe qui tente de profiter de son image, un journaliste en mal de récit sensationnel ou bien encore une ancienne maîtresse désargentée.
Face à tant de cynisme, on se plait à croire que les règles de la jungle qui régnaient par le passé, en dépit de leur violence, avaient le mérite d’être franches et directes. Sous les oripeaux de la civilisation, le fond reste finalement le même : profiter de la faiblesse de l’autre afin de mieux le dépouiller. Dans cette ambiance crépusculaire naît pourtant une lueur d’espoir, un amour improbable et sans issue émerge délicatement du chaos. Le lecteur sait qu’il est sans espoir et n’arrivera jamais à terme, c’est ce qui en fait sa force et sa beauté.
Chronique douce-amère d’une mort annoncée, Le tireur est un très grand Western, aussi court que dense. Implacable, violemment cynique, porté par une plume sèche et acerbe, le roman de Glendon Swarthout reste quarante ans plus tard d’une incroyable modernité dans sa critique de la nature humaine. Grandiose, tout simplement !