Hier, au festival de la Guitare d'Issoudun, sur le stand du luthier Franck Cheval,
j'ai vu un livre magnifique qui m'a mise au bord de la transe. Son
sujet n'était pas l'objet de mon admiration, bien que ce livre
exceptionnel rassemble une impressionnante collection de guitares. A
gauche, la présentation, à droite la photographie d'une guitare.
Grandeur nature.
Oui,
c'est là que se situe la caractéristique exceptionnelle de ce livre : il
mesure 109 par 47 cm de large, est relié de soie rouge, composé d'un
papier agréable au toucher et qui se feuillette aisément (ce n'est pas
une mince affaire avec des pages d'un demi mètre carré), et la mise en
page est superbe, avec des photographies d'une qualité supérieure. Seule
raison pour laquelle il n'est pas encore dans ma bibliothèque : il
coûte 375 euros (housse, pardon coffret compris : un carton fort, avec
une poignée, estampillé "OUI, CECI EST UN LIVRE"). Pour l'admirer, c'est
là, et en musique (mais ça ne vaut pas le feuilletage en vrai).
Ce livre m'a rappelé les merveilles qu'on trouve dans les bibliothèques : les manuscrits enluminés, mais aussi les 10 volumes de la description d'Égypte,
les reliures des volumes de la bibliothèque du château de Chantilly
(avis aux Picards et aux Francilliens : le château de Chantilly est une
merveille et sa bibliothèque
un paradis de bibliophiles), ou plus contemporains, les derniers
Citadelle & Mazenod de la collection Variation. Plus abordables,
j'aime beaucoup les pages vieux rose des éditions Gaïa, le grain
particulier du papier de certaines publications d'Actes Sud. J'aime bien
les couvertures qui changent de l'ordinaire, comme le petit tas de
laine figurant un mouton sur Qui a tué Glenn ?, celles qui sont en relief, ajourées. J'aime aussi les atlas, les herbiers, les belles mises en pages.
Bref,
l'avenir du livre, c'est de proposer du contenu mis en forme, au
numérique comme en papier, et dans le cas du livre matériel de la mise
en forme qui en fasse un bel objet, une chose à part entière, qu'on a
envie de poser sur une étagère, de mettre sur un lutrin, de tenir dans
la main, de caresser du bout des doigts, qu'on détaille page après page
dans les moindres détails. La dématérialisation apportera avec elle de
nouveaux outils, de nouvelles manières de lire (le dictionnaire intégré,
les hyperliens, le multimédia, et tout ce qu'on n'a pas encore
inventé), et ce sera très bien. Les tablettes et autres liseuses sont
encore un peu chères, mais bientôt à portée de toutes les bourses et
remplaceront le papier dans de nombreux usages. Mais pas le beau livre,
celui qui donne à voir, à toucher autant qu'à lire. Il faut que les
éditeurs jouent de la matérialité comme ils doivent jouer du multimédia
pour proposer autre chose que le contenu brut. Sinon, les auteurs se
passeront d'eux, et ce seront les distributeurs qui prendront le relai.
Les œuvres y perdront un regard critique, et cette mise en forme qui
ajoute toujours au bonheur de lire.