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jeudi 21 janvier 2021

Space Op zen : Quitter les monts d'automne, d'Emilie Querbalec

 

Ceux qui lisent régulièrement ce blog ne savent sans doute pas à quel point la SF a constitué durant des années l’essentiel de mes lectures (oui, bon, mis à part ceux qui me connaissent personnellement). C’est en grande partie volontaire puisqu’il s’agissait de partager ici mes quelques respirations et incursions en dehors du genre. Et puis au gré du temps, mes lectures SF se sont espacées et raréfiées pour se réduire à peau de chagrin ces deux dernières années. Loin de moi l’idée de m’épancher ou d’analyser en profondeur les raisons qui m’ont éloigné du genre, bien que la lassitude et le sentiment d’avoir fait quelque peu le tour de la question n’y soient sans doute pas étrangers, mais il faut bien avouer que je n’y trouvais plus l’émerveillement ni la stimulation intellectuelle des débuts. Par ailleurs, la SF a au cours des dix dernières années connu une crise identitaire sans précédent, ses ventes s’effritant au profit d’autres genres plus porteurs comme la fantasy, détournant les investissements d’éditeurs désormais un peu frileux à l’idée de traduire un titre dont les perspectives de rentabilité restent nébuleuses (en SF, la situation est telle qu’à 1500 exemplaires on est à l’équilibre, à 3000 exemplaires on considère que c’est une bonne vente et à 7000 exemplaires on fait péter le champagne). Il y a d’ailleurs des signes qui ne trompent pas, comme la fermeture de gros sites web consacrés au genre (suivez mon regard les Grands Anciens), le départ à la retraite (voulu ou contraint, allez savoir) d’un éditeur aussi charismatique que Gérard Klein, la mise en sommeil de la prestigieuse collection Ailleurs & Demain chez Robert Laffont, la réduction du rayon SF dans la plupart des librairies (les nouveautés étant noyées parmi la pléthore de titres de fantasy inondant les étals)..... 
 
La situation paraissait crépusculaire, même si en pleine tempête la plupart des éditeurs ont résisté grâce à des stratégies diverses et variées, mais souvent intelligemment menées. Et à ce jeu là, ce ne sont pas toujours les plus petits qui boivent la tasse (cf. les éditions du Bélial, toujours debout et toujours aussi dynamiques). Et puis il y eut ce petit coup de tonnerre qui ébranla le fandom, à savoir le départ de Gilles Dumay, alors directeur de l’excellente collection Lunes d’encre chez Denoël (autre phare dans la tempête). Mais la mauvaise nouvelle n’en était pas tout à fait une, puisque joie du mercato et des transferts de fin de saison c’était pour la bonne cause, à savoir la création et le lancement avec fracas d’une nouvelle collection chez Albin Michel consacrée aux littérature de l’imaginaire (AMI pour les intimes). Et le moins qu’on puisse dire c’est que ces gens là ne font pas les choses à moitié, Albin Michel Imaginaire frappe donc un grand coup pour son lancement avec la traduction d’une arlésienne : Anathem de Neal Stephenson. Il faut dire que les fans du bonhomme n'avaient pas eu grand chose à se mettre sous la dent depuis la publication du Cryptonomicon (si l’on excepte la sortie chez Sonatine en deux tomes de son roman Les deux mondes). Autant dire que l’annonce de la traduction française d’Anathem a fait l’effet d’une petite bombe, même si d’aucuns firent remarquer que la traduction de The Baroque Cycle (3000 pages en VO tout de même) aurait eu encore plus de gueule (oui, y en a toujours pour râler). Même Anathem a dû être découpé en deux tomes et il est probable que l’éditeur misait sans doute sur l’effet d’annonce pour rentrer dans ses frais. Auteur prestigieux, énorme attente de la part du noyau dur des fans (à la louche 1500 lecteurs), une première tentative de traduction abandonnée chez Bragelonne…. Anathem (Anatèm pour le titre français) réunissait beaucoup de paramètres pour faire, comme on dit trivialement, “un gros coup médiatique”.... à défaut d’être un gros coup sur le plan des ventes (aux dernières nouvelles, l’éditeur aurait fait une petite marge sur ce titre).
 
Oui bon ok, mais pourquoi cette longue digression sur la situation de l’édition de SF alors que cette chronique est censée dire tout le bien que l’on pense du roman d’Emilie de Querbalec ? Eh bien parce qu’il me semble que depuis quelques mois, la SF semble sortir du marasme qu’elle a connu ces dix dernières années, la collection AMI prend forme et propose des titres intéressants et pour la plupart exigeants, la collection Ailleurs & Demain semble bénéficier du regain d’intérêt pour Dune et on se plait à croire qu’elle pourrait renaître de ses cendres sous une forme ou une autre, les éditions du Bélial continuent avec succès à progresser et la collection Lunes d’encre (reprise par Pascal Godbillon) garde une certaine tenue. Quant au succès des titres SF publiés chez Actes Sud, il semble confirmer que dans une certaine mesure, le genre est encore porteur, même si son lectorat s’est furieusement contracté. Du coup, votre serviteur, après avoir boudé plusieurs années, a décidé de refaire une petite incursion dans le genre en empruntant trois portes d’accès différentes, la première et vous l’aurez compris, n’est autre que le roman d’Emilie de Querbalec (pour les deux autres titres, inutile de ménager le suspens, il s’agit de Trop semblable à l’éclair d’Ada Palmer et de Vers les étoiles de Mary Robinette Kowal… mais il faudra un peu patienter). 



Quitter les monts d’automne est le second roman d’Emilie Querbalec. Passé un peu inaperçu lors de sa sortie malgré son titre subtilement choisi et sa couverture prometteuse, il bénéficie au fil du temps d’un bouche à oreille favorable amplement mérité et, à titre personnel, j’espère que ce sera un succès car il me semble que la SF avait besoin d’une oeuvre de cette qualité et de cette sensibilité pour convaincre un nouveau public. Entre romans hyper conceptualisés, voire intellectualisés, et oeuvres privilégiant l’aventure débridée pour geeks boutonneux, la SF a toujours plus ou moins fait le grand écart, suscitant la méfiance à la fois du grand public et des élites intellectuelles, enfermant le genre dans un entre-soi quelque peu réducteur et sans doute mortifère. Quitter les mondes d’automne semble donc vouloir emprunter une voie médiane, moins technophile, plus personnelle et introspective tout en préservant ses racines profondément ancrées dans le sense of wonder. D’aucuns râleront en rétorquant que cela existe déjà, sans doute et j’ai même quelques titres en tête, mais ils restent un épiphénomène. 



A la mort de ses parents, dans l’incendie de leur maison, la petite Kaori est recueillie par sa grand-mère, une conteuse appréciée et reconnue sur Tasai dont elle espère suivre les traces. Mais en grandissant, son talent pour le Dit tarde à se manifester et Kaori doit, à son grand désespoir, se résoudre à suivre une autre voie, celle de la danse. Sur les mondes du Flux, et donc sur Tasai, les livres sont interdits et l’écriture sous toutes ses formes est proscrite. Seule la tradition orale permet de perpétuer le savoir, ainsi que le Flux, que les habitants ont quasiment élevé au rang de divinité toute puissante. Il faut dire que les prêtres Talanké, seuls détenteurs d’une technologie avancée, font régner la terreur et punissent de mort tous ceux qui manqueraient à ces règles élémentaires. Aussi lorsqu’à la mort de sa grand-mère, Kaori hérite de l’un de ces objets interdits, un rouleau d’écriture en l’occurrence, un gouffre béant s’ouvre sous ses pieds. Pourquoi sa grand-mère possédait-elle ce rouleau ? Quelles informations peut-il bien contenir ? Pourquoi sa grand-mère a-t-elle pris le risque insensé de le lui transmettre ? Autant de questions que Kaori ne pourra résoudre seule. Après avoir été accueillie brièvement dans une autre famille de conteurs, Kaori quitte ses paisibles monts d’automne pour rejoindre la capitale et solliciter l’aide de maître Toishi, un ami de sa grand-mère qui fut l’un des rares à lui prêter un tant soi peu d’attention. Commence alors pour la jeune fille, un long périple qui l’amènera à quitter Tasai pour explorer les autres mondes du flux et trouver enfin une réponse à ses interrogations. 



Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour son second roman, Emilie Querbalec maîtrise parfaitement les éléments d’un univers bien construit. On est subtilement happé par le monde en apparence paisible de Tasai et par ses consonances japonisantes mêlées à des éléments rétrofuturistes qui forcément interpellent le lecteur, qui s’interroge, se demande pourquoi ce monde semble rester à l’écart de la technologie et pour quelles raisons l’écrit et le livre semblent y constituer un tel danger. Le premier tiers du roman est donc en matière d’exposition des enjeux d’une redoutable efficacité et parfaitement exemplaire. On est doucement plongé dans l’univers du Flux, sans brusquerie ni précipitation et tous les éléments de compréhension sont dévoilés très progressivement. Ce qui en fait un excellent candidat pour les lecteurs qui souhaiteraient découvrir le space opera sans se retrouver immédiatement noyés et assaillis de références dont ils ne maîtriseraient pas les clés. Car n’en doutons pas Quitter les monts d’automne reste un roman de science-fiction pur et dur dans ses mécaniques, mais il a l’intelligence de proposer un très juste équilibre entre aventure, questionnements philosophiques et introspection des personnages. L’action n’y a rien d’envahissant et Emilie Querbalec soigne avant tout son ambiance et ses personnages, finement campés et subtilement attachants. Leurs émotions et leurs ressentis ne sont pas les parents pauvres de l’histoire pas plus que le fond n’est outrageusement intellectualisé, tout est doucement amené, à travers une réflexion fine et profonde sur des notions aussi fondamentales que l’art, l’esthétique et la transmission. Le tout est évidemment porté par un style tout en délicatesse et en subtilité, souvent poétique, toujours extrêmement fluide. 



Quitter les monts d’automne est donc un roman très réussi, non dénué de menus défauts, mais bien vite oubliés au regard de ses qualités essentielles. Bref, si vous cherchez du space opera qui tache, des grosses batailles dans le vide spatial à coup de canons laser et de missiles à plasma, c’est pas vraiment le genre de la maison, ici on privilégie l’ambiance et le style…. et ça fait toute la différence. 



19 commentaires:

Carmen a dit…

Moi je suis ravie de lire ta chronique sur ”Quitter les monts d’automne ”,j’avais repéré le roman sur la blogosphere,car je traine un peu aussi sur les autres blogs.
J’hésitais à le lire car on disait que c’était trop long,trop contemplatif,trop japonisant.Mais ,ce que tu en dis me plaît bien comme très souvent,et j’ai hâte de le lire.
J’aime bien quand la SF se mélange avec une romance ou quand elle est
intimiste et cette idée de transmission dans ce roman me plaît bien.

Emmanuel a dit…

Moi j'ai dévoré ses 450 pages en deux soirées et en arrivant à la fin je me suis dit : déjà !
C'est une auteure dont je suivrai à l'avenir la production, parce que j'aime beaucoup son style et sa manière d'aborder la SF.

Valérie a dit…

Ça tombe bien, j'ai terminé le cycle de Hain d'Ursula K. Le Guin...

Emmanuel a dit…

C'est dans la droite lignée de Le Guin, ça devrait te plaire.

Soleil vert a dit…

Si c'est toi qui le dit, ça doit être bon !

P.S : si je puis me permettre, active https dans le menu paramètre.

Carmen a dit…

Ce qui m’aurait fait hésiter c’est le prix de ce roman,mais je vois qu’il est disponible à la BMVR,c’est chouette donc, et est déjà pas mal emprunté.
A plus.

Emmanuel a dit…

@SV, Voilà qui est fait, merci !

@Carmen, chouette, que ferait-on sans les BM.

Ubik a dit…

Dans ma pal, celui-là. Depuis le temps que j'en entends parler ici ou là. Et puis, ça permettra de d'augmenter mon ratio d'auteurs féminins.

ps : Regarde du côté du label Mu, chez Mnémos. Il y a des trucs vraiment sympas, voire plus, comme par exemple "Aucune terre n'est promise" de Lavie Thidar.

Emmanuel a dit…

Grand merci pour les conseils, je vais jeter un coup d'oeil sur cette collection.

Carmen a dit…

”Quitter les mondes d’automne”au 2 ème paragraphe.. C’est moins poétique 🙂.

Emmanuel a dit…

Au deuxième paragraphe ou au deuxième livre ? Tu fais référence à la découverte de Pavané ? Effectivement, c'est pas trop glamour.

Carmen a dit…

Nan,je te signalais une faute de frappe dans ta chronique au 2 ème paragraphe, tu as écris ”quitter les mondes d’automne”au lieu de Quitter les monts d’automne.
Pardon ,je me suis mal exprimée.

Emmanuel a dit…

Ah mais oui, merci Carmen. Je vais corriger ma boulette.

Valérie a dit…

ET voilà, un autre lu, avalé d'une traite. C'est vrai que sa couverture est belle (j'ai aussi beaucoup aimé celle de Gnomon, mais pas celle de d'Émissaire des morts), et que le récit est très agréable et dépaysant, tout en gardant un côté "terrain connu" grâce au côté japonisant.

Le point fort pour moi c'est de replacer les distances du cosmos et donc les temps dans leurs longueurs.Ceci dit la dématérialisation façon sylve es nettement plus efficace dans Star Treck, il faut bien l'avouer. Mais il est vrai également que dans l'univers de Star Treck, elle ne se pratique qu'à petite distance et non sur les milliers d'années-lumière...

Emmanuel a dit…

Tiens, moi non plus je n'ai pas trop aimé la couv d'Emissaire des morts.

Sinon, question existentielle chez les Trekkies : sommes-nous toujours la même entité une fois que nous avons usé de cette fascinante technologie qu'est la téléportation quantique ? A l'arrivée, n'a-t-on pas plutôt obtenu une copie de l'original, certes parfaitement identique, mais une copie tout de même. Pour ce travail, vous aurez droit de vous appuyer sur les travaux d'Einstein et de Schrödinger.

Hop, vous avez deux heures !

Valérie a dit…

Et voilà 1/2

Incidemment créée sur un tournage impécunieux en mal de navette, la téléportation quantique est un moyen élégant et efficace de voyage interstellaire dans la science-fiction, quoique nous privant du plaisir du voyage lent et de ses rencontres inopinées avec la faune extraterrestre, à condition bien entendu de faire le voyage les yeux ouverts et non en stase.
Il convient avant tout de définir la téléportation quantique. Aux dernières nouvelles directement tirées de Wikipédia :
La téléportation quantique est un protocole de communications (quantiques) consistant à transférer l’état quantique d’un système vers un autre système similaire et séparé spatialement du premier en mettant à profit l’intrication quantique. Contrairement à ce que le nom laisse entendre, il ne s'agit donc pas de transfert de matière ni d'énergie. Le terme de téléportation quantique est utilisé pour souligner le fait que le processus est destructif à l'issue de la téléportation, le premier système ne sera plus dans le même état qu'initialement.
A partir de cette définition, nous pouvons renvoyer directement Einstein à la relativité générale et Schrödinger à son dilemme félin, et nous pencher sur des spécialistes reconnus : les auteurs et autoresses de science-fiction.

Mais pas de saut, quantique ou non, inconsidéré. Au Commencement était Star Treck et ses téléporteurs. Ces derniers ont un rayon d’action limité, et ne peuvent servir qu’entre un vaisseau en orbite et une planète, ou bien deux points sur une même planète. Leur utilisation peut donner lieu à des accidents, mais en général ils fonctionnent assez bien, et sans perte apparente chez leurs utilisateurs et utilisatrices.
Dans la série StarGate, on peut raisonnablement penser que les portes qui permettent aux héros de passer d’un monde à l’autre sont des téléporteurs quantiques (téléporteurs Asgard). Ils ne semblent pas non plus avoir d’effets particuliers sur leurs passagers.
François Bourgeon dans la série de bande-dessinée le cycle de Cyann, imagine un dispositif équivalent. On y remarque quelques accidents : des images rémanentes qui font le bonheur des badauds et des aléas temporels qui désorientent l’héroïne et fondent une partie de ses aventures. Leur utilisation est soumise à autorisation d’une instance supérieure qui peut la révoquer, et elles ne sont pas présentes sur toutes les planètes. Il est à noter que les Vés semblent eux se déplacer à leur guise, mais comme je n’ai pas les albums sous la main, je ne saurai trop m’avancer sur les moyens utilisés par ces mystérieux personnages pour qui l’avenir est sans surprise.

Peut-on parler de téléportation chez Le vieil homme et la guerre, de John Scalzi ? En effet par quel tour de passe-passe se retrouve-t-on dans un corps tout neuf quand on est un vieillard qui vient de s’engager dans les troupes spatiales ? N’ayant pas non plus mon exemplaire du roman sous la main, je ne saurai trop m’avancer, mais si la téléportation de ses souvenirs dans un nouveau corps est quantique, alors nous sommes sur un changement radical mais bienvenu. Il ferait le bonheur de quelques transhumanistes.

Valérie a dit…

Et voilà 2/2


D’autres œuvres n’ont utilisé la téléportation que pour la transmission d’information. Le hors-sujet me permettant de citer deux auteurs qui m’enchantent, il me sera pardonné en raison de la qualité des ouvrages mentionnés : soit Les Dépossédés d’Ursula K. Le Guin, et Le problème à trois corps, de Liu Cixin.
Dans le premier, il s’agit d’une invention, l’ansible, permettant de communiquer instantanément d’un point à l’autre de l’univers, à l’image d’une toile intersidérale. La théorie scientifique de Shevek n’est pas exposée très clairement dans le roman et repose plutôt sur un modèle temporel, mais du fait de son imprécision, on peut supposer qu’une certaine dose de physique quantique a permis sa mise au point.
Dans la seconde œuvre, il s’agit pour des extraterrestres exilés de leur monde qui se meurt, de prendre le pouvoir sur la Terre. À cette fin, ils désorientent des scientifiques en envoyant des phénomènes impossibles à expliquer avec les théories scientifiques actuelles via des intellectrons, jouant à la fois de pluridimentionnalité de l’Univers et sur la physique quantique. Ces intellectrons sont amenés à jouer un grand rôle, puisqu’ils sont en fait les interlocuteurs des Terriens. Mais ce sont des vecteurs de communication essentiellement.

Quitter les monts d’Automne, d’Émilie Querbalec, nous propose une vue de ces passages quantiques beaucoup moins tranquilles que tout ce que nous avons pu voir. Le passage se fait au prix d’un long entraînement, dans des endroits bien précis mais au milieu de l’espace intersidéral, sous la conduite de gardiens mystérieux et esseulés. Il est bien précisé qu’on y perd un peu, mais on ne sait pas exactement quoi, qu’on soit humain ou logiciel. Mais à ce prix on parcourt des distances incommensurables. Dans ce cas précis et détaillé, la perte est affirmée : on ne ressort pas identique à ce qu’on était de l’autre côté. Mais ne pourrait-on pas envisager que ce passage soit aussi un gain, ne serait-ce qu’en termes d’expérience et de connaissance de soi ? Et dans ce cas, qui l’emporte sur l’autre ?

En conclusion de cette potacherie, et parce que les deux heures s’écoulent trop rapidement, j’avancerai que tout saut aussi bien dans l’espace que dans le temps ne peut nous laisser identiques à nous-mêmes, quand bien même notre structure moléculaire serait reconstituée à l’atome près. Car qu’est-ce que notre identité ? Un simple ordonnancement de molécules ? Une mémoire fragile mais patiemment construite qui renferme nos affects et notre savoir ? Dans les deux cas, il s’agit d’une perpétuelle transformation de notre être dans le fil du temps. En fait, il n’est nul besoin de téléportation pour nous transformer : nous le faisons dans notre infime morceau d’univers chaque seconde qui passe. La téléportation n’est qu’une variante un peu exotique de cette perpétuelle transformation que nous appelons la vie.

Emmanuel a dit…

Mention très bien pour votre travail, bien construit et bien documenté, les références sont pertinentes et appréciées à leur juste valeur. Le ton, sérieux, mais mâtiné d'une pointe d'humour convient parfaitement à cet exercice. Le jury regrette néanmoins que vous ayez botté en touche sans mentionner le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg (pour la petite histoire, dans Star Trek la téléportation quantique est rendue possible grâce à...... un compensateur d'Heisenberg. Ils sont forts ces scénaristes).

La bise

Valérie a dit…

Merci Maître. je saurai prendre la mesure de mes lacunes, soyez-en assuré !