Dans la catégorie polars à gros tirages, Michael Connelly est un poids lourd. Adapté à deux reprises au cinéma (Créance de sang, en 2002 et La défense Lincoln en 2012), l’auteur américain aura néanmoins attendu 2014 avant de voir son personnage le plus célèbre, l’inspecteur Harry Bosch, tenir le rôle principal d’une série télévisée. Étonnant au vu du succès de l’auteur depuis une bonne vingtaine d’années. D’abord journaliste pour divers quotidiens de Floride, Connelly fut finaliste du prix Pulitzer en 1986, grâce à un article qui lui permit de pousser la porte du Los Angeles Times, afin d’y occuper la fonction de chroniqueur judiciaire. Autant dire que le bonhomme a vu passer bon nombre d’affaires durant sa carrière et que les procédures policières et judiciaires ne sont plus un secret pour lui.
Au cours de sa prolifique carrière, Michael Connelly a créé plusieurs personnages de fiction récurrents, plus ou moins liés par des éléments communs. L’inspecteur Harry Bosch est évidemment le premier d’entre-eux, mais l’on peut désormais compter également Mickey Haller (La défense Lincoln), avocat de son état et accessoirement demi-frère de Bosch, ainsi que le journaliste Jack McEvoy. Ces personnages se livrent à des caméos répétés, dont on cherche parfois vainement l’utilité, mais qui contribuent à l’unité de l’univers judiciaire de Michael Connelly. Honnêtement l’intérêt réside ailleurs, dans la capacité de l’auteur à proposer un roman à l’intrigue solidement bâtie et à la narration aisée, l’ensemble étant soutenu à bouts de bras par le personnage central d’une grand partie des romans de Michael Connelly : l’excellent inspecteur Harry Bosch. Détective solitaire et peu amène, il est qualifié de franc-tireur par sa hiérarchie, se moque des procédures inutilement bureaucratiques et ne s’embarrasse guère d’une quelconque once de diplomatie lorsqu’il faut mettre les points sur les i. Son caractère entier n’est pas sans lui créer de nombreux ennuis avec ses supérieurs, qui reconnaissent volontiers son savoir-faire et ses talents de fin limier, mais ne supportent guère sa propension à s’affranchir des procédures standards (et donc à les envoyer bouler). Bosch ne supporte ni la hiérarchie ni les bureaucrates, ces gratte-papier focalisés sur les statistiques, obnubilés par la communication et les tractations politiques des hautes sphères de la police. Personnage attachant et savamment construit (son passé d’enfant de l’assistance publique, son expérience du Vietnam), Harry Bosh accumule les casseroles, mais sa posture de flic allergique à l’autorité le rendent foncièrement sympathique. Nul doute qu’avec un personnage de flic rangé et procédurier, les romans de Michael Connelly n’auraient certainement pas la même saveur.
Dans ce premier roman, le lecteur est invité à suivre les pas de l’inspecteur Harry Bosh, ancien flic d’élite du LAPD désormais affecté à la brigade d’Holywood à titre de rétrogradation. A la suite d’une enquête longue et délicate, Bosch a en effet tiré sur un suspect alors qu’il se croyait menacé et donc en état de légitime défense, hélas ce dernier n’était pas armé. Depuis cette affaire, Bosch est dans le collimateur de la hiérarchie et de l’inspection générale des services, mais cela ne l’a pourtant pas incité à faire profil bas. L’affaire qui se présente, alors qu’il était de garde un dimanche, a tout de l’enquête de routine. Le corps d’un ancien toxicomane est retrouvé dans un tunnel désaffecté près du réservoir de west Hollywood, une zone particulièrement appréciée des zonards en tous genres. Les différents éléments qui se présentent ne laissent guère planer le doute, l’enquête sera rapidement bouclée, le médecin légiste conclura à une overdose et tout le monde pourra gentiment rentrer chez lui pour profiter de son dimanche et regarder le match de football. Sauf que les indices trouvés sur les lieux laissent Bosch dubitatif, certains éléments ne concordent pas et surtout, la victime est un ancien vétéran du Vietnam, un rat de tunnel dont la spécificité était de mener la chasse au viet dans les souterrains qui parcouraient la jungle…. comme un certain Harry Bosch. Une coïncidence qui chiffonne le policier et qui risque de le plonger à nouveau dans le pétrin.
L’intrigue du roman en soi n’a rien d’exceptionnel, mais le savoir faire de l’auteur en matière de construction narrative permet au lecteur d’être pris dans le rythme de l’histoire et de tourner les pages avec plaisir non feint. Certes, l’ensemble reste de facture classique, les rebondissements paraissent parfois forcés et un brin artificiels, mais ne boudons pas notre plaisir, il s’agit là d’un divertissement tout à fait honnête, qui n’a certes ni la profondeur d’un Jack O’Connell ni la rage d’un James Ellroy, mais qu’importe, ce n’est de toute façon pas ce qu’on lui demande.