Pour les lecteurs anglo-saxons, Richard Paul Russo est un habitué du paysage de la science-fiction et ses nouvelles figurent régulièrement au sommaire des revues spécialisées, mais en France l’auteur est nettement plus confidentiel puisque seulement deux de ses romans ont jusqu’à présent été traduits, tous deux au Bélial, La nef des fous et Le cimetière des saints ; Le premier ayant été auréolé du prix Philip K. Dick, à priori gage de qualité.
Voguant à travers l’espace insondable de la galaxie depuis plus de 400 ans, le vaisseau générationnel Argonos est un navire sans but et sans mission précise, ou tout du moins ses occupants semblent en avoir oublié les finalités au fil des générations. Progressivement, l’équipage s’est scindé en deux catégories, les soutiers sont les grouillots du vaisseau, ils assurent la maintenance et le bon fonctionnement des machines, alors que les classes supérieures se sont arrogé le commandement de l’Argonos et se sont alloué les droits les plus étendus. Au sommet de cette hiérarchie on trouve le capitaine Nikos, dont l’autorité vascille sous les coups de boutoir de la figure religieuse du vaisseau, l’évêque Soldano, homme de peu de foi mais ambitieux et retors. Le roman nous mène sur les pas de Bartoloméo, orphelin issu de la classe supérieure, mais affublé d’un exo-squelette en raison de malformations physiques ; un homme posé et réfléchi, conseiller principal du capitaine Nikos, mais écartelé entre son amitié pour ce dernier et son désir d’aider les soutiers à réaliser leurs rêves d’émancipation. Au cours de son errance, l’Argonos capte des émissions radio en provenance d’une planète que l’évêque s’empresse de baptiser Antioche, mais la mission d’exploration chargée d’effectuer les premiers repérages n’y découvre que tristesse, mort et désolation : les habitants de la planète (des colons humains) ont tous été exterminés avec une violence hors du commun. Ont-ils été pris de folie ou bien ont-ils été victimes de la férocité d’une espèce extraterrestre ?
Inutile de ménager le suspense de manière démesurée, La nef des fous est un roman de SF de facture assez classique, qui s’inscrit dans une veine axée space opera et exploite des arguments conventionnels, mais avec un sens de la narration plutôt bien maîtrisé. Honnêtement, à défaut de faire preuve d’une originalité folle, le roman tient surtout à ses personnages, bien campés et attachants. L’autre qualité du roman réside dans son intrigue générale, dont les éléments sont très parcimonieusement distillés, Russo maîtrise parfaitement sa narration et sait dévoiler tout juste ce qu’il faut pour entretenir le suspense tout en préservant une certaine part de mystère. A défaut d’être novateur, l’auteur américain fait preuve d’un savoir-faire indéniable en matière de narration, d’intrigue ou même de dialogues et nous livre donc un roman divertissant et plaisant, mais hélas un peu trop superficiel. Il y avait pourtant matière, dans cette société repliée sur elle-même depuis des siècles, à explorer les pratiques et les évolutions sociétales d’une partie de l’espèce humaine coupée de ses racines depuis des temps si reculés, mais l’écrivain américain effleure à peine ces pistes. Las, tout semble dans ce vaisseau bien trop proche et commun, rien ne surprend ni n’émerveille, rien ne vient intriguer le lecteur et le bousculer dans ses certitudes. De vertige propre à la SF il n’y a pas, et c’est bien là tout le problème.
1 commentaire:
Ma prochaine lecture :)
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