Beaucoup de personnes connaissent l'histoire d'Annie Sullivan et d'Helen Keller. Elle est très populaire aux États-Unis. Helen Keller en particulier a suscité l'admiration de ses compatriotes par sa volonté, et le fait que malgré son lourd handicap elle obtint un diplôme d'études supérieures. Car à la suite d'une maladie infantile, Helen est devenue aveugle et sourde, et sa première enfance s'est déroulée dans un monde clos, uniquement perceptible par les autres sens.
C'est donc cette histoire qui est mise en scène ici, ou plutôt ces deux histoires, car la vie d'Annie Sullivan est également tragique. Orpheline, placée dans un asile horrible, puis heureusement accueillie à l'institut pour aveugles Perkins, elle fait preuve d'une force de caractère hors du commun, mais difficile à supporter pour ceux qui l'entourent. Cette force qui lui a permis de survivre, cette colère qu'elle exprime sans retenue, elle va les mettre au service d'Helen Keller, parvenant à s'imposer à sa famille et à prendre en main une petite sauvageonne sans repères. Bientôt, c'est le miracle et Helen comprend la relation entre les signes et la réalité qui l'entoure. Elle devient insatiable, apprend à lire le braille, à écrire même. Elle veut tout savoir, elle veut communiquer, signer, tout le temps. Mais l'histoire d'Helen n'est pas seulement une réussite. Mise en avant par le directeur de l'institut Perkins qui cherche à en faire un faire-valoir de la cause des aveugles, elle est accusée de plagiat dans son premier écrit, un conte. Pour Annie, accusée d'avoir menti, c'est un affront de plus.
Quelle gageure de raconter cette histoire dans une bande-dessinée ! Mais une fois le résultat lu, cela devient évident. Joseph Lambert a su rendre de manière très explicite le monde perçu par Helen Keller, et dans son graphisme se mesure les progrès et peut-être même la manière dont a progressé la petite fille. C'est l'exceptionnelle réussite de ce livre. La bande-dessinée n'est pas forcément simple à appréhender car elle mêle les deux histoires, la vie d'Helen à partir de sa rencontre avec Annie, et par des retours en arrière la jeunesse d'Annie à l'asile puis à l'institut. Le graphisme est très sobre, se concentre sur l'essentiel. L'auteur joue avec bonheur des polices de caractères et arrive à construire deux mondes parallèle : le nôtre et celui d'Helen. Il restitue avec sensibilité les sentiments très forts de tous les protagonistes avec une économie de moyens remarquables.
Un grand moment de lecture, même pour ceux qui connaissaient déjà cette histoire, qui fut le début d'une très longue amitié entre deux femmes d'exception.
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