Encensé par la critique
outre-manche, Planetfall est un roman écrit par une jeune auteure
britannique inconnue dans nos contrées, mais déjà bien installée
dans le paysage des littératures de l’imaginaire anglo-saxon, Emma
Newman. Plus connue pour ses romans de fantasy urbaine, il s’agit
pour elle de sa première incursion dans le domaine de la
science-fiction et le moins que l’on puisse dire, c’est que
l’essai est plutôt concluant. On pourrait même annoncer sans trop
prendre de risque, qu’il s’agit d’un des romans de SF les plus
intéressants publiés en 2017, mais moins pour sa dimension
prospective que pour sa dimension humaine et dramatique.
Dans un futur indéterminé
mais relativement proche, la Terre est en déliquescence,
politiquement aussi bien qu'économiquement. Au sortir d’un coma
lié à l’ingestion d’une plante non répertoriée au catalogue
des espèces végétales d’origine terrestre, la jeune Lee Suh-Mi
reçoit une révélation prophétique. Sa vision lui montre une
planète inconnue mais semble-t-il capable d’abriter la vie. La
jeune femme se plait-à croire qu’elle vient de recevoir un message
divin. Convaincue par le caractère sacré de sa mission, elle
réussit à enrôler d’éminents scientifiques et quelques généreux
donateurs prêts à financer la construction d’un vaisseau
spatial capable de rejoindre cette planète et d’y installer une
colonie. Guidés par celle que l’on appelle désormais
l’Eclaireuse, les futurs colons embarquent pour un voyage sans
retour à bord de l’Atlas. Sur place ils découvrent un mystérieux
artefact organique dont Lee Suh-Mi assure qu’il est à l’origine
du message qu’elle a reçu. Vingt ans plus tard, la colonie s’est
durablement implantée sur cette étonnante planète, mais
curieusement les colons ne semblent pas pressés de s’en emparer.
Lee Suh-Mi a disparu à l’intérieur de l’artefact (désormais
baptisé “cité de Dieu”) sans jamais en ressortir, tous les ans
un message parvient à ses compagnons, leur assurant qu’elle est
toujours en vie, à l’écoute du message divin que l’artefact
semble lui communiquer. Et tout ceci aurait pu durer jusqu’à la
fin des temps, rituel immuable donnant lieu à une cérémonie quasi
mystique, hautement symbolique, mais toujours aussi avare en
révélations concrètes. Jusqu’au jour où un inconnu se présente
à l’entrée de la colonie, prétendant être le petit-fils de Lee
Suh-Mi. Et le fait est que le jeune homme ressemble énormément à
sa grand-mère. Un choc pour Ren, ingénieure spécialisée dans la
maintenance des imprimantes 3D, qui fut durant des années la
meilleure amie de Lee Suh-Mi. Depuis des décennies, les colons
pensaient qu’il n’y avait eu aucun survivant des nacelles de
descente qui s’étaient écrasées loin du site d’atterrissage
prévu. Hypersensible, fragilisée par l’absence de son amie, Ren
vit un peu à l’écart du reste de la colonie, cultive son
jardin secret et préserve farouchement son intimité… à un point
qui confine à la pathologie. L’arrivée de Sung Soo met à mal le
fragile équilibre que Ren avait soigneusement réussi à maintenir,
faisant remonter à la surface des souvenirs qu’elle avait enfouis
au plus profond de son subconscient.
Planetfall, par son fonds de commerce un poil mystique mâtiné de considérations morales n’est pas sans rappeler Le moineau de Dieu de Mary Doria Russel ou bien encore Un cas de conscience de James Blish, mais alors que ces deux romans lorgnaient allègrement du côté du conte philosophique Planetfall se veut davantage psychologique et fonctionne comme un huis-clos.. La culpabilité rode au fil du roman, pesante, reléguant finalement la dimension prospective du récit à sa plus simple expression. L’histoire est centrée presque exclusivement autour du personnage de Ren, c’est à travers ses yeux, ses pensées, ses névroses et son cheminement psychologique que l’on découvre progressivement les enjeux réels du roman. Non pas qu’il n’y ait aucune idée de science-fiction dans Planetfall, car l’auteur brasse de nombreux thèmes chers à cette littérature (en particulier l’impact de l’homme sur son environnement), mais ils ne sont pas réellement au coeur d’un récit construit entièrement autour d’un énorme mensonge et de ses effets dévastateurs sur une communauté qui évolue en vas clos. Planetfall aurait pu être rébarbatif s’il s’était transformé en fable théologique ou en conte philosophique, mais Emma Newman a eu suffisamment d’intelligence pour ne pas suivre cette voie (n’est pas James Blish qui veut), se concentrant sur la dimension humaine et dramatique du récit, nous offrant un roman d’une grande finesse psychologique, à l’ambition certes mesurée mais totalement maîtrisée. Pas le roman du siècle, mais une bonne surprise assurément.
4 commentaires:
J'ai eu un gros coup de coeur pour ce roman, même si l'immersion à été laborieuse.
After Atlas est encore mieux à mon goût.
Ubik
J'ai eu un peu de mal sur les 50 premières pages, ensuite je suis bien rentré dans le bouquin. Je lirai très certainement After Atlas.
Dans ma pile !
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