Décédé
en 2014, l’auteur américain Kent Haruf est longtemps resté
confidentiel, mais l’adaptation de son dernier roman au cinéma
(Nos
âmes la nuit,
2017) lui a cependant donné un petit regain de notoriété.
Originaire de l’état du Colorado et très attaché à sa terre
natale, Kent Haruf est un écrivain du terroir, qui aime raconter la
vie pas toujours simple des petites gens de son pays, leurs peines et
de leurs tracas, avec une sensibilité et une justesse qui ne sont
pas sans rappeler un certain Larry McMurtry. J’ai très honnêtement
déjà beaucoup évoqué cet auteur sur ce blog, mais une petite
piqûre de rappel me semble appropriée tant cet écrivain mérite
d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.
Troisième
roman de l’auteur à être traduit en français, Les
gens de Holt county
fait
suite à l’excellent Le
chant des plaines,
chef d’oeuvre de délicatesse et de retenue dans lequel le lecteur
découvrait la petite ville de Holt et de ses habitants. Parmi cette
galerie de personnages foncièrement attachants : les deux frères
McPheron et leur ranch perdu au milieu des plaines, Guthrie et ses
deux garçons, Ike et Bobby, mais aussi et surtout la jeune Victoria
Roubideaux, tout juste 19 ans, sur le point d’accoucher de son
premier enfant. Tous sont à nouveau au coeur des Gens
de Holt County,
mais viennent s’y ajouter de nouveaux protagonistes, qui permettent
à ce roman d’être autre chose qu’une simple suite, une vision
enrichie de l’histoire et de la vie à Holt. Victoria et sa
petite fille ont donc quitté le ranch des frères McPheron, la jeune
fille pourra désormais poursuivre ses études à l’université
tout en élevant la petite Katie dans des conditions acceptables.
Raymond et Harold se retrouvent donc à nouveau seuls au ranch, mais
gardent le contact avec Victoria pour qui les deux frères font
littéralement offices de soutien familial. Guthrie et ses deux
garçons viennent de temps en temps leur donner un coup de main, pour
leur soulager la tâche et leur tenir compagnie. A Holt, Rose,
l’assistante sociale du comté, tente d’aider une famille
démunie. Luther et Betty, élèvent leurs deux enfants dans un vieux
mobil-home défraîchi, sans travail ils vivent de bons alimentaires
et des soins de l’assistance publique. Ils tentent d’appliquer
les recettes simples et pleines de bon sens de Rose pour joindre les
deux bouts, mais l’arrivée de l’oncle de Betty, un homme
violent, alcoolique et peu respectueux des femmes met en péril ce
fragile équilibre ; les parents se révélant incapables de protéger
leur deux progénitures des accès de violence de cet homme malsain
et dangereux. A quelques encablures de là, le jeune DJ vit avec son
grand-père à la suite du décès de sa mère. Taciturne mais
sérieux et travailleur, il tente de concilier ses obligations
scolaires tout en prenant soin de son grand-père vieillissant,
assumant des responsabilités qui ne sont pas celles qui devraient
échoir à un garçon de son âge. Pris en affection par sa jeune
voisine, qui élève seule ses deux filles à la suite du départ de
son mari pour l’Alaska, tous les quatre vont se soutenir
mutuellement le jour où le mari en question décide de ne plus
jamais revenir à Holt.
A la suite de ce bref résumé, sombre et en apparence désespéré, j’en vois déjà certain qui filent dans la direction opposée à brides rabattues, persuadés que Kent Haruf n’est autre que la réincarnation américaine d’Emile Zola et de Charles Dickens confondus (Oliver Twist, sors de ce corps). Mais c’est bien mal connaître le travail de l’écrivain américain, Les gens de Holt county n’a rien du récit larmoyant auquel on aurait pu s’attendre, Kent Haruf ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières mais décrit sans concessions les conditions de vie au coeur des hautes plaines, loin des grands villes affairées et des centres de décisions politiques et économiques. La vie y est rude, voire rustique, avec son lot de détresse et son cortège de galères. En plus d’une misère économique réelle, on perçoit en écho une certaine misère affective, liée à la solitude et à l’isolement. Celle des deux frères McPheron est profondément touchante alors que leur attitude respire la bonté et la bienveillance, leur solitude atteint le lecteur au plus profond de son être. Et alors même qu’elle résonne comme une fatalité, un peu d’espoir vient illuminer ce tableau magnifique et c’est là le grand talent de Kent Haruf, que de nous faire espérer en un avenir meilleur et plus lumineux. Simplicité de l’écriture, à la fois belle et sans fioritures, narration claire et limpide, personnages extrêmement bien définis, touchants d’humanité et de sensibilité (oui oui, même les salauds comme Hoyt sont des personnages bien campés et extrêmement bien écrits).... le tout avec une économie de mots et de moyens qui frôle le génie, du grand art tout simplement.
2 commentaires:
Tres beau roman ,magnifique,émouvant ,on en sort bouleversé.Comment ne pas etre émue
par ce grand père et son petit fils
Quand on voit dans ce monde des familles qui construisent des murs d'indifference ,cela fait du bien de lire ce genre de roman
Mille fois oui.
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