Ceux
qui connaissent le travail de Manu Larcenet savent bien que le bonhomme
a un talent fou et que sa sensibilité peu commune s’exprime aussi bien
dans le registre de l’humour (Les aventures rocambolesques ou bien encore Nic Oumouk) que dans les registres plus graves voire intimes (Le combat ordinaire),
mais peu de lecteurs auraient parié voir Larcenet dans un exercice
aussi périlleux que le polar noir et sombre. C’est pourtant bien le
propos de BLAST,
roman graphique ambitieux en quatre volumes (trois ont déjà été
publiés) qui force le respect et en impose même aux plus réfractaires.
On aime ou on déteste, mais on ne reste pas insensible face à la patte
de Manu Larcenet, qui atteint dans le geste et la composition graphique
tout simplement des sommets. Heureusement la narration n’est pas en
reste et le mariage entre le texte et le dessin a rarement été aussi
saisissant.
Blast c’est l’histoire de Polza Mancini, fils d’immigré italien
communiste, ex-écrivain de livres gastronomiques et désormais tueur.
Polza est gros, voire très gros, obèse pour être plus précis, sa vie a
longtemps été dictée par son poids, une souffrance qu’il a enfouie au
plus profond de son être et qui un jour explose au grand jour, défonce
ses barrières mentales et laisse libre cours à sa folie. Une enfance
difficile, Polza et son frère ont été élevés par leur père après
l’abandon de leur mère, une adolescence vécue comme une souffrance, un
mariage de raison, l’homme vit comme anesthésié et se réfugie dans son
seul plaisir : la bouffe. Un pis-aller qui ne fait que masquer la
douleur enfouie et le vide d’une vie qui n’a pas de sens. Cette vie, qui
repose sur un équilibre bien précaire, bascule le jour de la mort du
père de Polza. A cet occasion Polza vit une expérience quasi mystique
qu’il nomme le Blast, une onde de choc cérébrale qui dévaste tout sur
son passage et se rapproche d’un trip sous acide. En l’espace de
quelques secondes sa vie est bouleversée. Polza rentre chez lui, fourre
quelques affaires dans un sac de voyage, vide ses comptes en banques et
sans même laisser un message d’adieu à sa femme part sur la route pour
vivre une existence de bohême, dans un état éthylique quasi permanent et
un laisser-aller qui frôle l’indécence. Polza devient un clochard, une
homme qui a choisi de vivre sa liberté de manière totale, et s’enfonce
dans les bas fonds de la société en espérant revivre à nouveau le Blast.
Cette historie, Polza la raconte aux deux flics qui l’on serré et qui
tentent de comprendre comment il en est arrivé à tuer une jeune femme
dont pour l’instant on ne sait rien. Lentement les policiers le font
parler et reconstruisent un passé en noir et blanc, occulté par les
zones d’ombre, les mensonges et les travestissements de la réalité, ce
qu’ils essaient de déterminer ce sont ses motivations, les mécanismes
qui l’ont conduit au meurtre et dans quelle mesure son geste lui a été
dicté par sa folie. C’est cette progression dans l’enquête qui révèle
toute la profondeur du personnage et dresse le portrait en demi-teinte
d’un homme dont à peine à déterminer s’il s’agit d’un doux illuminé ou
d’un cinglé patenté doublé d’un psychopathe.
2 commentaires:
J'apprécie aussi beaucoup cette série et attend le quatrième opus avec impatience (j'ai ressenti une pointe de déception à la fin du troisième tome ceci dit).
Il faut dire que le second tome était assez énorme. Pour ma part, j'attends avec avidité la conclusion de cette série.
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