Il n'y a pas de raison, une fois de temps en temps, de se laisser porter par l'air du temps pour choisir une lecture. Et voici une impulsion que je ne regretterai pas ! Plongeons donc dans la touffeur du Mississipi, à Jacksonville pour être exact, en 1963. Là, une jeune demoiselle blanche n'en a pas encore conscience, mais elle n'est plus tout à fait à l'aise dans sa ville après son retour de la faculté. Manque d'espace, manque de liberté, trop de règles, de non-dits... Skeeter Phelan n'a pas envie de se couler dans le moule, mais ne fait pas vraiment ce qu'il faut pour s'en extirper.
A l'autre bout du spectre et de la ville, mais pourtant quotidiennement présentes dans les maisons blanches, voici les bonnes : Aibileen qui aime tant les enfants, et écrire aussi ; Minnie qui ne sait pas tenir sa langue et en est à sa 19e place, mais qu'on embauche quand même tant elle cuisine bien ; Louvenia ; Pascagoula ; Yule May; l'ombre de Constantine... Ces femmes se débattent dans des peurs sans fins et des drames horribles chaque jour, à la merci de leurs patronnes, dont la plus terrible d'entre elles, Miss Hilly, la meilleure amie de Skeeter, la plus parfaite des épouses du Sud. Car si dans le Sud les Blancs tuent les Noirs pur un sourire de travers, la vengeance des Blanches sur les bonnes noires est encore plus terrible, même si elle est au premier abord moins sanglante.
Pourtant, Skeeter et Aibileen vont nouer une relation étonnante, autour d'un projet fou et dangereux : raconter la vie des bonnes noires, témoigner du quotidien de ces femmes omniprésentes, à qui on confie les enfants, mais que personne ne voit vraiment. Cette relation est interdite dans un monde ségrégationniste, mais elle va enrichir plus que les deux personnes qui l'ont initiée.
Ca aurait pu être un livre démonstratif, plein de bons sentiments, un peu lourd à digérer, comme certaine tarte. En fait c'est un feuilleton aux multiples rebondissements qui vous cueille dès le premier chapitre, et qui vous tient en haleine le long des plus de 500 pages de récit. Rien n'y est unicolore, mais tout y est vu du côté des femmes, blanches ou noires, qui subissent toutes, très différemment, la loi des hommes. D'ailleurs, ces derniers ne sont pas non plus des caricatures de Klu Klux Klan. C'est tout un monde dans sa diversité qui nous est présenté, par une fille du pays, et ça se sent. L'auteure a choisi de raconter son récit à trois voix, et construit tout son récit en ménageant ses effets.
Ceux qui connaissent la ségrégation n'apprendront rien de vraiment nouveau dans ce livre savoureux, mais ils se replongeront dans un autre aspect des Etats du Sud, moins tragique que Mississipi Burning, moins people que dans Minuit dans le jardin du bien et du mal (deux histoires d'hommes, essentiellement). Ce Sud, Kathryn Stockett l'aime par dessus tout, et'elle défend à nul autre qu'elle et ses compatriotes (et surtout aux Yankees !) de le critiquer. Ils s'en chargent très bien eux-mêmes, avec cette tendresse qu'on ne peut avoir que pour la terre qui nous a porté et forgé.
2 commentaires:
ça sent bon l'ambiance du blues, j'achète !
On n'entend pas beaucoup de musique dans ce récit, et méfie-toi quand même : on est plus du côté de Desperate Housewives que de Huckleburry Finn. Mais c'est un roman plus dur qu'il n'y parait au premier abord.
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