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samedi 14 mars 2009

Fantasy polonaise : Le dernier voeu, de Andrzej Sapkowski


Quasiment inconnu en France Andrzej Sapkowski est en Pologne l'égal de Tolkien. Né en 1948, économiste de formation, Sapkowski a d'abord travaillé dans le commerce international avant de se mettre à l'écriture et de rafler en quelques années la vedette aux écrivains anglo-saxons de Big Commercial Fantasy (1,5 millions d'exemplaires de ses livres ont été vendus en Europe). Ces derniers n'ont qu'à bien se tenir car l'oeuvre de Sapkowski a donné naissance à une série télé (The Hexer), un long métrage adapté de la série, ainsi qu'à un jeu vidéo (The Witcher), qui contrairement aux deux tentatives précédentes, fut un immense succès international. Je ne vous cacherai pas que c'est d'ailleurs ce dernier qui fut à l'origine de mon intérêt pour l'oeuvre de cet écrivain polonais. Mais reconnaissons à Bragelonne, le mérite d'avoir cru en cet auteur bien avant le succès en France de l'adaptation vidéoludique des aventures de Géralt de Riv.

Evidemment, ce qui fonctionne dans un univers virtuel, où l'action et le gameplay priment souvent sur la qualité du scénario et la profondeur des personnages, ne garantit pas une oeuvre littéraire de qualité, loin s'en faut. Cependant, le personnage imaginé par Sapkowski, le sorceleur Géralt de Riv, à la fois sorcier et combattant (tueur de monstres plus précisément), est suffisamment travaillé et original pour aiguiser la curiosité des lecteurs rompus à toutes les sauces, parfois sans saveur, de la fantasy. L'univers mélange habilement les poncifs de la fantasy tolkiennienne avec quelques principes originaux issus de la mythologie slave, on y croise ainsi quantité de monstres plus ou moins familiers, des nains évidemment, mais aussi des elfes qui n'ont pas grand chose à voir avec les créatures graciles et raffinées de Tolkien. Les sorceleurs sont des êtres à part, des humains soustraits à la bienveillance de leurs parents dès leur plus tendre enfance, puis élevés dans l'objectif unique de devenir des chasseurs de monstres ; des mercenaires qui parcourent le pays de ville en ville, à la recherche d'un contrat pour éliminer tantôt une goule, tantôt une strige ou bien encore quelque bête fabuleuse qui hante d'obscurs marais. L'apprentissage est rude, mêlant entraînement physique, arts martiaux et magie, ainsi qu'une série de mutations chimiques destinées à permettre aux sorceleurs d'augmenter leurs capacités physiologiques. Les sorceleurs sont des êtres solitaires, qui sont à la fois craints et haïs par le reste de la population. Geralt de Riv est l'un de leurs plus illustres représentants, ses capacités et ses exploits sont connus dans certaines régions, sans pour autant que ces faits héroïques ne lui assurent la popularité ou la bienveillance de ceux qui font appel à ses services.

“Le dernier voeu” n'est pas à proprement parler un roman, mais plutôt un recueil de nouvelles mettant en scène Géralt de Riv. Sapkowski creuse peu à peu son personnage, lui imagine un passé (assez obscur) et un profil psychologique de plus en plus affiné (bon, ne nous voilons pas la face, c'est quand même en grande partie superficiel). Bref, sans atteindre une profondeur abyssale, le personnage de Géralt de Riv et la figure du sorceleur sont pour le moins réussis. Le cynisme et l'humour de ce dernier, le ton résolument adulte de l'ensemble, ainsi que les références plus ou moins détournées à l'univers des contes de fée ou de la fantasy (on y retrouve notamment une Blanche Neige, accompagnée de ses sept brigands, loin d'être aussi sage et naïve que l'originale ; une autre nouvelle fait clairement référence au conte de “La belle et la bête”), font que l'on ne tombe jamais dans le premier degré ; ni Sapowski ni sont lecteurs ne peuvent être dupes, il s'agit de littérature d'évasion sans autre ambition que le divertissement à peu de frais.

Seule ombre au tableau, et pas des moindres, la plume de Sapkowski est loin d'être à la hauteur, et l'écriture, bien que s'améliorant au fil des nouvelles, est probablement le grand point faible de cet auteur. D'autant plus qu'il est desservi par une traduction que l'on pourra, au mieux, qualifier d'exécrable.


L'univers de Sapkowski, sans être d'une grande originalité, saura sans mal convaincre les fans de “The Witcher”, les autres pourront à l'occasion tenter une aventure qui s'est avérée ma foi plutôt plaisante. Maintenant, si la Big Commercial Fantasy (car Sapkowski ne prétend pas vendre autre chose ) provoque chez vous des ulcères ou des crises d'urticaire, il serait préférable de passer votre chemin, ou de tenter directement l'approche vidéoludique.

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