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samedi 14 mars 2009
Polar Redneck : Fantasia chez les ploucs, de Charles Williams
Billy, sept ans, parcourt depuis qu'il sait poser un pied devant l'autre les champs de course de l'Est des Etats-Unis en compagnie de son père, bookmaker de son état. Billy et son père ne sont pas bien riches, c'est tout juste s'ils ramènent suffisamment d'oseille pour tenir jusqu'à la prochaine course. Jusqu'au jour où les bonnes oeuvres cherchent à séparer Billy de son père (qu'il appelle Pop) afin de le placer dans un foyer ; il est bien connu qu'une vie aussi dissolue n'est pas faite pour les enfants. Pop pousserait bien sa vieille guimbarde jusque sur la côte Ouest, mais le portefeuille persiste à demeurer aussi plat qu'un ballon de baudruche dégonflé. Alors c'est dans le ferme de l'oncle Sagamore, perdue quelque part du côté du Kentucky, qu'ils feront halte pour se mettre au vert assez longtemps pour se faire oublier des autorités compétentes. Billy n'a jamais rencontré l'oncle Sagamore, mais l'idée de passer un moment à la ferme n'est pas pour lui déplaire, reste que Sagamore Noonan est un sacré lascar. Tout ce qui peut prêter à un trafic quelconque, Sagamore s'y intéresse, même si la contrebande de tord-boyaux est un peu sa spécialité. Evidemment, l'oncle Sagamore est aussi la bête noire du Shérif local, qui tente depuis des années, sans aucun succès, de coincer ce bon Dieu de malheur de fermier. Alors lorsque deux Noonan se retrouvent, vous imaginez bien que les ennuis de la police locale ne sont pas près de s'arranger. Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà qu'un caïd de la pègre pointe le bout de son nez, en compagnie d'une charmante demoiselle (effeuilleuse de profession) recherchée à la fois par les gros bonnets de la mafia et par la justice, pour une sombre histoire de procès. Evidemment, tout ce beau monde se retrouve chez ce bon Sagamore Noonan, dans ce qui s'annonce comme la pétaudière la plus infernale de tout l'Est des Etats-Unis.
Fantasia chez les ploucs est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), mélange habile de polar et de roman agraire mâtiné d'une bonne dose d'humour, auquel on a du mal à trouver un équivalent. Evidemment on pense à 1275 âmes de Jim Thompson, en moins cruel, ou bien encore à Jusqu'à plus soif de Jean Amila (qui s'inspire d'ailleurs en grande partie de Fantasia chez les ploucs). Tout le génie de Charles Williams est d'avoir adopté le point de vue d'un enfant de sept ans ; un gentil garçon qui assiste tout ébahi, et avec la candeur que l'on attend d'un enfant de cet âge, aux machinations alambiquées (c'est le cas de le dire) des adultes. Billy est entraîné dans une affaire de contrebande le plus naturellement du monde, contribue à ridiculiser la police locale en toute bonne volonté, se lie d'amitié avec une stripteaseuse qu'il trouve en tout bien tout honneur « vraiment très jolie », joue à la chasse au lapin avec des gangsters équipés de mitraillettes et accessoirement se rend utile dès qu'il le peut. Billy est un garçon honnête et plein de bonne volonté, un peu le contraire de son oncle Sagamore, qu'il trouve cependant tout à fait sympathique. Immoral et pourtant irrésistiblement drôle (la roublardise de Sagamore Noonan vaut quand même son pesant de cacahouètes, un véritable génie dans son domaine), Fantasia chez les ploucs est un véritable plaisir de lecture grâce à l'écriture et à la finesse d'esprit de son auteur ; les mots, le phrasé sont très accessibles, et pour causes ils sont ceux d'un enfant de sept ans. Evidemment, toute la saveur du roman vient également du décalage permanent entre l'action décrite et les commentaires du narrateur. L'enfant ne distingue pas grand chose de la formidable roublardise de son oncle et de son père, des plans machiavéliques qu'ils élaborent en permancence pour rouler le shérif du comté et ses adjoints. S'il sait par ailleurs apprécier la beauté de Miss Harrington (alias Caroline Tchou Tchou), il n'en perçoit en aucune manière la sensualité explosive, qui affole en permanence les compteurs des mâles environnants. Alors que Jim Thompson dressait un portrait au vitriol du redneck moyen, amusant certes mais surtout grinçant, Charles Williams ne s'écarte pratiquement jamais du registre comique et de la farce bon enfant. Bref, savourez ce petit bijou d'humour noir, mais prenez garde tout de même aux crampes d'estomac.
A noter que ce roman a été adapté au cinéma par Gérard Pirès au début des années 1970, un film dans lequel on retrouve l'excellentissime Jean Yanne, mais également Lino Ventura. Une adaptation qui semble réussie, mais dans laquelle on perd cependant une certaine innocence.
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