Rechercher dans ce blog

mercredi 5 mars 2025

Polar sans prétention : Quand vient la nuit, de Dennis Lehane

 

Avec pas moins de quatre romans adaptés au cinéma (Mystic River, Shutter Island, Gone baby gone et enfin Quand vient la nuit), Dennis Lehane est probablement l’un des auteurs les plus (pardonnez-moi l’expression) “bankable” de la scène littéraire américaine contemporaine. Cela en fait-il pour autant un gage de qualité, rien n’est moins sûr. Mystic River m’avait laissé de marbre et Shutter Island m’était littéralement tombé des mains ; autant dire que bonhomme ne partait pas avec les meilleures cartes en mains avec ce Quand vient la nuit, qui semblait cocher toutes les bonnes cases du roman mineur coincé entre deux best-sellers d’envergure. 


Faux calme au physique imposant, Bob est un solitaire dont on peine à saisir pleinement la personnalité avant que l’adversité ne vienne en révéler la nature profonde. Célibataire par défaut, peu enclin à se lier d’amitié avec le premier venu, Bob semble s’être résigné à une vie un peu morne et sans aspérités. Dans la vie Bob tient le bar de son cousin Marv, dans un quartier de Boston plus ou moins quadrillé par les gangs de trafiquants de drogue. D’ailleurs, le bar n’appartient plus vraiment à son cousin, mais plutôt à un caïd de la mafia tchétchène, qui l’utilise comme façade à son trafic. Un soir, deux malfrats braquent le bar et s’enfuient avec 5000 dollars, de l’argent sale évidemment, qui n’appartient ni à Bob ni à Marvin, mais au très peu commode Chovka, qui entend bien récupérer le fruit de son business. Mais en réalité, le gentil Bob n’en a pas grand chose à faire, en rentrant chez lui il a découvert un pauvre chiot dans une poubelle, l’animal avait été violemment battu et lâchement abandonné par son maître. Au même moment, une jeune femme, Nadia, observe Bob dans la rue et intervient pour lui donner un coup de main. Ces deux rencontres fortuites vont bouleverser la vie de Bob et donner une toute autre tournure à son existence. Mais une chose est certaine, quand le bonheur frappe à la porte, il ne faut jamais chercher des noises à un garçon comme Bob.


Quand vient la nuit est un bon petit polar sans prétention, n’y cherchez pas un quelconque chef d'œuvre, l’ambition de l’auteur n’a pas d’autre visée que de proposer une histoire bien construite et une ambiance suffisamment prenante pour emmener le lecteur jusqu’au bout de son intrigue. Le point fort du roman réside néanmoins dans l’épaisseur de ses personnages, dont la personnalité et la profonde humanité se révèlent par petites touches au fil du récit. C’est évidemment Bob qui est le plus attachant, avec sa vraie gentillesse et sa fausse naïveté, il révèle face à l’adversité toute sa force de caractère et son courage. Mais Nadia n’est pas en reste et son personnage est très intriguant également. On pourra tiquer sur quelques scènes un poil “too much”, pas tant par leur violence que par leur côté quelque peu improbable, voire leur complaisance vis à vis du crime organisé (le cliché du caïd lucide et grand seigneur est un peu irritant, d’autant plus qu’il est opposé d’une manière un brin manichéenne à celui de la petite frappe au coeur noir et aux agissements  odieux). Il n’empêche que l’on prend un certain plaisir à suivre ce récit d’une fausse simplicité, qui ménage quelques petites surprises à son lecteur et sait emprunter quelques chemins détournés pour parvenir à ses fins.