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vendredi 24 mai 2024

Légende livresque : Le sorcier et la luciole, de Christine Campadieu

Huit ans après sa mort, la vigneronne Christine Campadieu évoque sa rencontre et son amitié avec l’écrivain américain Jim Harrison, gastronome itinérant et poète de la bonne chère. Un livre simple et émouvant, qui donne un aperçu de la personnalité complexe de l’auteur des grands espaces américains. 


Le livre est assez court et se présente sous la forme d’une structure faussement relâchée, très agréable à feuilleter, mêlant anecdotes rabelaisiennes, souvenirs de voyage et même recettes de cuisine, sans trop s’embarrasser d’une chronologie précise. Le style de Christine Campadieu a l’élégance d’être simple et accessible, sans fioriture ni effets de manche. L’auteure s’efface ainsi devant le maître, pour faire émerger l’émotion qui transparaît à travers la relation amicale née un peu par hasard à l’occasion d’un voyage en Espagne sur les traces de Federico Garcia Lorca, le grand poète andalou exécuté en 1936 par les milices franquistes. Si la France connaît bien le romancier, elle a tendance à oublier la passion de Jim Harrison pour la poésie, et ses talents d’écrivain dans le domaine, passion qui semble particulièrement insistante dans la dernière partie de sa vie ; en témoigne un autre pèlerinage, à Collioure cette fois, sur les traces d’Antonio Machado, autre poète espagnol victime du franquisme (Machado mourut à Collioure quelques semaines seulement après avoir franchi les Pyrénées en compagnie de sa mère). C’est d’ailleurs ce pèlerinage qui fut à l’origine de la rencontre de Christine Campadieu et de Jim Harrison, puisque ce dernier était un grand amateur du vin que la vigneronne produisait du côté de Banyuls. 


Au fil de ces souvenirs égrenés avec une certaine pudeur, émerge la personnalité quelque peu fantasque de Jim Harrison, un homme que l’on sent sur le déclin physique (en témoigne aussi le très touchant documentaire de François Busnel Seule la Terre est éternelle), mais dont la vitalité intellectuelle est toujours intacte. Sa fantaisie, sa générosité, sa spontanéité quasi enfantine, son sens de l’humour piquant font écho à sa roublardise, ses colères subites et son caractère parfois ombrageux ; Jim aime croquer la vie à pleine dents et son amour  pour les bons vins et la bonne chère témoignent également de son caractère emporté et parfois excessif. Christine Campadieu ne cache rien de ces différentes facettes, dressant un portrait en creux finement contrasté de l’écrivain américain, dont on imagine aisément la personnalité flamboyante et charismatique lorsqu’il était physiquement au mieux de sa forme. 


Assurément, cette succession de tranches de vies partagées, d’anecdotes truculentes ou tout simplement touchantes, racontent autant de Jim Harrison qu’une biographie parfaitement circonstanciée et détaillée. A travers son récit, Christine Campadieu laisse percevoir le grand poète et le grand romancier qu’était Jim Harrison tout autant que le bon vivant ou le râleur irascible et c’est bien ce qui rend ce livre aussi précieux et attachant. Et quoi qu’il arrive, il nous restera pour toujours la plume inimitable de Big Jim, gravée à jamais au firmament des grands écrivains qui l’ont inspiré.

5 commentaires:

Carmen a dit…

Ah je ne connaissais pas cette auteure .Une belle rencontre .
Ça me rappelle que je dois toujours lire”Un sacré gueuleton ”de Jim Harrison,où il propose une cuisine revigorante mais aussi une philosophie de vie. C’est très drôle,et en accord avec son personnage.

Emmanuel a dit…

Il y a aussi Aventures d'un gourmand vagabond dans la même veine. Pas indispensable, mais on y picore agréablement quelques textes.

Carmen a dit…

Et Jim Harrison a écrit une nouvelle qui s’appelle ”La femme aux lucioles ”.Simple hasard par rapport au titre de Christine Campadieu(?)

Emmanuel a dit…

Pas un hasard du tout, c'est clairement un hommage à cette nouvelle. Le sorcier étant une référence au roman éponyme de Jim Harrison.

Carmen a dit…

Très bonne lecture pour moi,qui complète bien l’image touchante que l’on se fait de Jim Harrison.
Et ça donne envie d’aller faire un tour à Collioure,et sur la tombe de Antonio Machado.