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lundi 11 décembre 2023

Fantasy jubilatoire : Noon du soleil noir, de L.L. Kloetzer

 

Avis aux amateurs de Sword & Sorcery, cette fantasy à l’ancienne si chère à Robert E. Howard, Michael Moorcock ou bien Fritz Leiber, qui a connu ses heures de gloire avant les années 2000 et la montée en force de la Big Commercial Fantasy. Les lecteurs avaient bien eu droit à la l’édition chez Denoël Lune d’encre de l’intégrale des aventures de Kane (de Karl Edward Wagner) entre 2007 et 2009, mais depuis, il faut bien avouer que le genre était quelque peu tombé en désuétude. Laurent et Laure Kloetzer (il s’agit d’une écriture à quatre mains) ont-ils eu le nez creux ou bien ont-ils tout simplement suivi leur instinct, toujours est-il que la publication de Noon, qui à terme prendra la forme d’une trilogie, comble un manque et remplit d’allégresse ceux à qui Conan, Kane, Elric ou bien encore Fafhrd et le Souricier gris avaient désespérément manqué. C’est plus précisément à ces deux héros, créés par Fritz Leiber dans le Cycle des épées, que L.L. Kloetzer rend ouvertement hommage, un hommage assumé et revendiqué, qui devrait réjouir les aficionados de Leiber mais ne pas perturber outre-mesure les lecteurs qui ne seraient pas familiers de cet univers haut en couleur. A cela s’ajoute une excellente idée, celle d’avoir demandé au talentueux Nicolas Fructus d’illustrer cet ouvrage, lui donnant un côté graphique du plus bel effet. 


Bienvenue à Lankhmar, oups, pardon, bienvenue dans la Cité de la toge noire où Yors, ancien mercenaire sans le sou, tente de vendre ses services à qui voudra bien l’embaucher. Alors qu’une caravane de marchands franchit les portes de la cité, Yors remarque un jeune homme un peu lunaire, qui semble plutôt en fonds et caresse le projet de s’installer en ville comme magicien. Cet homme c’est Noon et si son attitude laisse quelque peu dubitatif, ses talents de sorcier semblent incontestables. Yors devient rapidement son homme à tout faire ; conseiller, guide, garde du corps…. Le bonhomme, un peu roublard sur les bords, connaît la ville et ses méandres comme sa poche et se révèle un atout indispensable pour éviter ennuis, arnaques et coups fourrés qui guettent les esprits candides comme Noon. Mais les débuts sont quelque peu chaotiques, l’installation n’a rien d’une sinécure dans une cité où le clientélisme est roi et où les guildes font la loi. Moyennant quelques entourloupes et un peu d’astuce, Noon parvient avec l’aide de Yors à installer sa boutique de sorcellerie, ou plutôt son cabinet de consultation, car l’homme n’est pas du genre à vendre des colifichets et autres babioles magiques à quatre sous, mais Noon semble pourtant prendre un malin plaisir à éconduire ses potentiels clients, au grand dam d’un Yors qui ne comprendre goutte à l’attitude de son patron. Mais que cherche donc à prouver Noon, quelles sont ses véritables intentions, est-il réellement le personnage ingénu qu’il semble vouloir incarner ?


Soyons honnêtes, malgré toutes les qualités dont font preuve Laure et Laurent Kloetzer, Noon du soleil noir n’est pour le moment qu’une aimable introduction, un tome d’exposition qui permet de faire connaissance avec les personnages et avec le décorum. En l'occurrence, celui-ci paraîtra forcément très familier aux lecteurs du cycle des épées puisqu’il s’agit ni plus ni moins que du monde de Nehwon revisité, même si les auteurs ne nomment pas les lieux de la même façon, on aura tôt fait de reconnaître Lankhmar (principale cité du cycle des épées) et ses spécificités. Pour autant, il ne s’agit pas à proprement parler d’un pastiche, l’évocation reste ici relativement discrète, et les auteurs ont su s’éloigner suffisamment de leur modèle de référence  pour imprimer au récit sa propre marque. L’humour se fait aussi plus discret et le lecteur n’a pas le sentiment comme chez Leiber que l’univers relève de la vaste blague de potache. Sans se prendre au sérieux tout en respectant soigneusement l’oeuvre originelle, le roman a pris ses distances par rapport au ton gentiment parodique du cycle des épées, ce n’est clairement pas dans ce registre qu’il faudra attendre le couple Kloetzer. Pour le reste, ce premier tome fournit son lot d'aventures, de dépaysement et de personnages plus ou moins atypiques pour remporter assez rapidement l’adhésion du lecteur. Mais bien évidemment, c’est le personnage de Noon qui intrigue le plus tant il est entouré de mystère et nimbé d’une aura que son ingénuité de façade ne parvient pas totalement à effacer. On a envie d’en savoir davantage sur le personnage, de cerner ses motivations afin de savoir dans quelle direction nous mènera cette aventure pour le moment pleine de promesses. 


Avec cette envie jubilatoire de retrouver le ton décomplexé de la Sword & Sorcery de nos jeunes années, Laure et Laurent Kloetzer ont mis carrément dans  le mille avec ce projet plein d’une sincérité rafraîchissante et d’enthousiasme, dont on se régale à l’avance tant le premier volume regorge de potentialités. N’y cherchez pas une quelconque révolution stylistique ou thématique, ici on navigue en territoire connu, mais pour le plus grand plaisir des plus nostalgiques et bon sang, qu’est-ce que ça fait du bien. Vivement la suite !


6 commentaires:

Ubik a dit…

Yep ! C'est de la bonne came. D'ailleurs, j'hésite à commencer le deuxième tome, de peur d'être en manque.

Manu a dit…

Je suis en train de terminer le T2. C'est dans la même veine, donc excellent.

Carmen a dit…

C’est un peu une fantasy comme chez Guillaume Chamanadjian ?
Ça va me changer un peu de mes lectures habituelles .Je l’ai réservé.

Emmanuel a dit…

Oui et non, c'est de la fantasy urbaine, donc on va y retrouver quelques similitudes (le côté grouillant et crapuleux), mais sinon magie et sorcellerie y ont davantage d'importance que chez Chamanadjian. Le ton est un peu plus léger également.

Carmen a dit…

Merci pour ces précisions Emmanuel.

Emmanuel a dit…

Avec plaisir Carmen.