Comme Jasper Fforde a décidé de s'attaquer à la jeunesse en publiant une petite aventure dragonnesque, il est temps de dénoncer ce pas triste personnage, échappé des plateaux de tournages cinématographiques pour coucher sur papier des délires teintés de science littéraire. Comment résumer ses livres ? A vrai dire, personne n'en a envie. Chacun d'eux est un empilement de trouvailles loufoques et décousues qui prennent lentement place dans un canevas tout au long du déroulement de l'histoire pour aboutir à un déchainement de forces sans précédents laissant pantois le lecteur moyen, déjà souvent entièrement secoué de spasmes de rires. Il y a du James Ellroy dans la manière de mener son histoire à multiples fils pour aboutir à une corde, mais nulle trace de la paranoïa de l'auteur américain. Ici, c'est le délire qui est aux commandes, tant dans les inventions de l'oncle Mycroft que pour la mise en scènes des héros de la littérature anglaise. Déjà, s'appeler Thursday Next, affectée à la brigade de sureté littéraire d'un royaume d'Angleterre qui est toujours en guerre contre la Russie en Crimée, et avoir pour père un voyageur dans le temps recherché par la police temporelle pour un forfait qui n'a pas encore eu lieu (ou bien si, avec les décalages horaires, on ne sait plus très bien...), voilà qui peut se révéler périlleux.
Et on ne vous dira rien des autres tomes de la série, sauf qu'on y découvre le chat du Cheshire en bibliothécaire, la manière de voyager dans les livres, un puits sans fonds, Mamie Next, le Minotaure, sans compter Picwick le dodo régénéré et la fin du monde en mousse rose.
Pour son incursion dans le roman jeunesse, Jasper Fforde reprend les mêmes ficelles, mais elles sont moins échevelées. J'ai beaucoup aimé son dragon, plein d'humour et d'intelligence, le dernier de son espèce, mais c'est tout de même un peu plus sage et moins truffé de références littéraires.
C'est toujours un excellent moyen de passer un moment léger, mais plein de suspence, dans des Angleterres revisitées.
PS : par le plus grand des hasards, je viens de lire un article sur la place des femmes dans la Scandinavie médiévale (on a les vices qu'on peut...), et j'y ai trouvé au détour d'une phrase l'explication d'un concept Ffordien. Moi qui trouvais que son dernier roman manquait de références littéraires, je n'ai plus qu'à me mettre aux sagas scandinaves, et dans le texte encore...
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