Premier roman de l’écrivain américain Kent Haruf, dont on a déjà pu apprécier la plume sur ce blog avec Colorado Blues, Le chant des plaines est enfin réédité dans la collection Pavillon, après avoir figuré au catalogue des éditions 10/18, qui semblent, mais peut-être n’est-ce qu’une vague impression, se délester de certains de leurs titres. Voilà une initiative salutaire tant Kent Haruf, auteur rare et discret, mérite d’être apprécié à la mesure de son talent. D’autres ont probablement été saisis d’un sentiment similaire, puisqu’en 2006, Kent Haruf eut l’insigne honneur de recevoir le prix John Dos Passos, qui récompense aux Etats-Unis un auteur dont le talent n’a pas reçu toute l’attention qu’il méritait. On pourrait se gausser de la valeur d’un prix faiblement doté (2000$) et décerné par une obscure université de Virginie, si le palmarès ne contenait pas des noms aussi prestigieux que ceux d’Annie Proulx, Tom Wolfe, Russel Banks, James Welsh, Sherman Alexie ou bien encore Percival Everett. On souhaite bien évidemment à Kent Haruf de connaître une destinée littéraire aussi réussie, mais le moins que l’on puisse dire c’est que pour le moment, l’auteur américain commet un sans-faute.
Comme tout bon écrivain, forcément hanté par des démons qui reviennent sans cesse à la charge, Kent Haruf semble condamné à explorer sans cesse le quotidien de la petite bourgade de Holt, une cité quelque peu austère, perdue dans les vastes plaines du Colorado, à peine troublée par le rythme paisible des activités agricoles, principales ressources de la région. Kent Haruf nous plonge dans un récit choral, parcours croisé entre plusieurs personnages, Guthrie, professeur d’histoire au lycée de la ville, sa femme, totalement dépressive et au bord de la rupture, ainsi que leurs deux enfants, Ike et Bobby. Leur destinée croisera celle d’une jeune lycéenne à moitié indienne, tombée enceinte à la suite d’une relation avec un garçon plus âgé et chassée du domicile familial par sa mère. Elle finira par trouver refuge, aussi improbable que cela puisse paraître, auprès de deux vieux célibataires endurcis, deux frères exclusivement attachés à leur ferme et à leurs vaches. Concédons qu’à partir d’éléments narratifs aussi faibles, l’intérêt du roman puisse ne pas sauter pas aux yeux immédiatement et pourtant…
Par son rythme paisible et nonchalant, Le chant des plaines prend le temps de diffuser sa petite musique entêtante, de dresser un portrait tout en nuances de la vie dans une petite ville du Midwest à travers une galerie de personnages attachants et profonds. On grimace, on sourit, un s’indigne, sans jamais que l’émotion ne dégouline de pathos, Kent Haruf nous livre un roman tout en retenue mais profondément humaniste. Il n’y juge personne, mais se contente de décrire avec justesse la vie simple et ordinaire des habitants de Holt, une vie parfois difficile et semée d’embûches, alternant fulgurances et douce torpeur. Cette chronique sociale douce-amère n’est pas sans rappeler un certain Larry McMurty, le côté loufoque et décalé de Texasville en moins, l’espérance en plus. Car Le chant des plaines est un roman résolument optimiste où pour une fois le happy end se profile de manière logique et libératoire. Rien à voir avec la fin abrupte et violente de Colorado blues, ici les choses s’apaisent calmement et se résolvent avec délicatesse.
4 commentaires:
J'aurais du commencer par celui ci de Kent Haruf;mais peu importe j'y ai retrouvé
des personnages attachants qui pratiquent la bienfaisance et les attentions qui
manquent cruellement aujourd'hui dans ce monde.
Je partage complètement votre vision des choses.
Je viens de voir son 1 er roman traduit en français ” Ces liens qui nous enchaînent”.
Ça a l’air bien.
Oui, pas encore lu, mais cela ne saurait tarder ;-)
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