D’abord la couverture. Je choisis rarement un livre sur sa couverture, parfois même malgré celle-ci. Mais ce petit rossignol au corps nébuleux perché au-dessus d’un sombre abysse et comme enveloppé d’un délicat rameau aux feuilles évanescentes attire l’œil.
Regardez-le bien, car il ne réapparaîtra pas de sitôt. Mais ce n’est pas si grave.
A travers le regard de la narratrice, nous découvrons le monde de la station, une espèce d’île pirate du cosmos. Là, les différentes espèces de l’Univers connu se côtoient, se mêlent, s’étreignent, se métissent pour donner naissance à des hybrides plus ou moins viables. Chacun vit selon ses paramètres. La station est une espèce d’utopie anarchiste, une communauté au mélange extrême vivant de trafics plus ou moins commerciaux et d’extraction des minerais des astéroïdes, et grâce à une technologie que personne en fait ne connaît plus vraiment. Dans ce microcosme, la narratrice est en fuite, et se souvient, mêlant ses souvenirs à sa réalité du moment, passant d’un présent incertain à un passé émietté et vice-versa, jusqu’à un futur lointain. Elle est poursuivie pour on ne sait quoi, par un certain Victor, chef de file des Spéciens, tandis qu’elle est protégée par les Fusionnistes de son amie d’enfance ‘Ha.
En moins de cent trente pages (format poche), l’autrice nous fait découvrir un univers miniature extraordinaire de complexité, nous fait partager des sentiments très forts, déroule une énigme à la façon d’un thriller, tout cela par les yeux d’une héroïne au centre du maelström, petit rouage devenu actrice centrale du drame qui se joue, mais dans un fil du temps aux courbes sinueuses.
Le récit vous emporte comme une lame de fond, vous soulève, vous noie et vous recrache, hébétée dans votre fauteuil. La première lecture n’est pas aisée, car si le style est élégant, les informations sont foisonnantes. On pourrait se perdre, comme la narratrice à certains moments de sa vie, et pourtant le fil est là, toujours, qui nous empêche de dériver trop loin malgré les digressions, jamais gratuites, les retours en arrière, toujours éclairants, les bonds en avant, toujours angoissants.
Quant à la seconde lecture... Je crains qu’elle manque de la saveur incomparable de la découverte, mais elle permettra de replonger, à nouveau, dans la station, et de ressentir, un peu plus, toutes les émotions de la narratrice.
Un petit livre pour un grand moment de science-fiction.