Attelé depuis près de dix ans à son cycle Rois du monde, qui se déroule dans la Gaule celtique, Jean-Philippe Jaworski revient à ses premiers amours et à l’univers du Vieux Royaume, grâce au Tournoi des preux, premier tome d’une nouvelle trilogie intitulée Le chevalier aux épines. Au programme : amours courtois, tournois de chevalerie et nécromancie. Le tout enrobé d’un soupçon d’intrigues de palais et de guerre de succession. J’en vois déjà qui se précipitent au premier rang et ils ont raison.
Pour ceux qui ne seraient pas franchement familiers de l'œuvre de Jean-Philippe Jaworski, Le chevalier aux épines se déroule dans le même univers que Janua Vera et Gagner la guerre. L’un des personnages principaux du roman, le chevalier Aedan de Vaumacel est d’ailleurs l’un des protagonistes d’une nouvelle de l’auteur (“Le service des dames”, Janua Vera. 2007), dont la lecture n’est pas forcément indispensable à la compréhension du contexte, mais néanmoins recommandable. L’auteur s’autorise au fil du récit, d’autres caméos que les lecteurs les plus familiers de son oeuvre ne manqueront pas de relever. Cette nouvelle trilogie est donc l’occasion d’explorer une autre facette du Vieux Royaume, mais cette fois loin de Ciudalia et de son ambiance Renaissance italienne pour se diriger vers les contrées d’inspiration plus médiévale du grand duché de Bromael, en proie à d’importantes querelles dynastiques. L’un des protagonistes principaux, le chevalier de Vaumacel, alors en délicatesse avec le pouvoir, y fait son retour par la petite porte. Autrefois champion de la duchesse Audéarde, Aedan ne s’est jamais présenté lors du procès les accusant tous les deux d’adultère, précipitant la disgrâce de la duchesse, répudiée par le duc Ganelon et enfermée dans un couvent. Désormais sur la piste d’enfants disparus dans les villages miséreux situés à la limite du comté de Kimmarc, Aedan est alors attaqué par un autre chevalier, le jeune et désargenté Yvorin de Quéant, qui n’a pas grand chose à perdre étant donné son statut et tout à gagner à faire du chevalier de Vaumacel son prisonnier. Mais l’affaire ne se déroule pas comme prévu et Yvorin est défait par Vaumacel. Curieusement, les deux preux finissent par trouver un terrain d’entente. Le chevalier aux épines accepte de ne pas faire d’Yvorin son prisonnier, à lui restituer ses armes et son destrier, s’il s’engage à défendre l’honneur de dame Audéarde à l’occasion d’un tournoi où la fine fleur des chevaliers de Bromaël et de Kimmarc s’affronteront ; pendant ce temps, Aedan continuera à enquêter sur la disparition des enfants, comme il en avait fait le serment, et rejoindra le tournoi de Lyndinas plus tard pour combattre lui aussi au nom de la duchesse déchue et restituer ainsi son honneur.
Au fil de son
récit, Jean-Philippe Jaworski s’amuse à alterner les points de
vue et les personnages pour donner davantage d’ampleur à son
intrigue et en exacerber les enjeux. La technique demande un peu de
patience au lecteur pour entrer de plain pied dans ce nouveau roman
et en saisir toute les dimensions politiques, les pesanteurs
séculaires héritées de la tradition courtoise et les vieilles
rancœurs familiales. Très progressivement, tous les éléments se
mettent en place, laissant se dessiner en creux une guerre civile
fratricide et immensément tragique. Bien que le rythme de ce roman
de pure exposition soit assez lent, on finit par se laisser porter
par un récit qui se complexifie au fil des pages et devient de plus
en plus prenant. Ce petit tour de force n’est évidemment pas dû
au hasard, on le doit au talent de styliste de Jean-Philippe
Jaworski, dont les textes sont toujours extrêmement travaillés sur
ce plan. Le chevalier aux épines rend évidemment hommage à la
littérature médiévale, dans un style extrêmement riche sur le
plan lexical (la précision du vocabulaire est remarquable), empreint
d’un certain formalisme, mais structurellement assez moderne. Le
mélange fonctionne parfaitement bien, sans jamais dévoiler la
moindre lourdeur grâce à un savoir-faire qui n’a rien à envier
aux plus grands stylistes de la littérature blanche. En ce qui me
concerne, je dois confesser avoir éprouver une grande délectation à
la lecture de ce premier tome, qui renferme de nombreuses promesses
en gestation. Il y a toujours chez J.P. Jaworski une étonnante
capacité à lier la forme et le fond avec une évidence qui frôle
le génie. Bref, vous pouvez y aller les yeux fermés, d’autant
plus que le prochain tome est annoncé pour le courant du mois de
juin, ce qui ne gâche rien à l’affaire.
6 commentaires:
J'irai chiper le livre à ma copine et néanmoins collègue de français, fan de l'écrivain. Je regrette qu'il n'ait pas continué sa saga gauloise, je ne m'en suis pas encore remise.
J'espère au moins qu'il y a quelques mauvais garçons indécrottables dans cette histoire, car sinon Don Benvenuto va terriblement me manquer.
Oui, il m'arrive d'apprécier les bad boys, mais seulement dans les romans de Jaworski...
C'est très différent de Gagner la guerre, mais tu vas y trouver ton compte, promis.
j'ai tenu deux mois.
J'ai craqué, j'ai acheté.
Et devine quoi ? Trois misérables jours plus tard, c'est déjà terminé, mais comme j'ai fait une promesse intenable à mon cher et tendre, il va falloir attendre pour le second tome. Malheur à moi et à ma gourmandise littéraire.
Pourtant, entre Vaumacel et moi, ça n'a pas bien commencé. C'est quoi ce fier chevalier sans peur et sans reproches, tout lisse, parangon de vertu ? Et le petit Yvorin qui n'arrive pas à le désarçonner, dans tous les sens du terme, mais celui-là est d'une naïveté confondante ! Et enfin, où sont les méchants qui me charment tant chez Maître Jarworski ?
Malheur à moi qui doutait de l'écrivain.
Non content de nous offrir des magnifiques moments stylistiquement enchanteurs, il fait monter tranquillement la pression et l'intrigue pour nous mener au cœur de la violence la plus mauvaise tout en éparpillant les fils de ses intrigues au long des chapitres, nous amenant de délicieux frissons d'horreur en conjonctures affolantes. Et de nous laisser choir au milieu de la bataille, toutes affaires suspendues.
Damnation !
Car en vérité, le chevalier aux épines recèle bien des mystères et en soulève plus encore...
Bon, ben je vois que je ne suis pas le seul à m'être à nouveau fait happer par Jaworski, le tome 2 est sorti mais je n'ai pas encore craquer.... pour l'instant.
Alors ça c'est la meilleure ! Non seulement Don Benvenuto est de retour dans le second tome, mais en plus il nous raconte... la même histoire ! Enfin, quand lui la raconte, on l'impression d'être dans une autre histoire, il faut bien l'avouer. Sans compter tous ces développements si intéressants, ces intrigues si passionnantes...
Autant dire que nous ne sommes pas, mais alors pas du tout sortis d'affaire. Comme le troisième tome d'ailleurs, hélas, hélas, hélas !
Ah toi aussi tu as craqué, je suis en train de le terminer et j'ai quasiment finir d'écrire ma chronique. Je me régale !
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