Je connaissais déjà le beau roman
d’Alessandro Baricco paru en 1997, mais c’est un peu par hasard
que j’ai découvert cette version illustrée par Rebecca Dautremer
en flânant chez mon libraire habituel. Et le moins que l’on puisse
dire, c’est que l’association de ces deux talents est tout
simplement remarquable et donne naissance à une œuvre autre, encore
plus belle, touchante et poétique. Une merveille, tout simplement.
Pour ceux, mais en existe-t-il encore,
qui ignoreraient tout de ce très court roman d’Alessandro Baricco,
son troisième très exactement, sachez qu’il existe une version
poche au tarif imbattable disponible dans toutes les bonnes
crèmeries, mais la version illustrée mérite amplement que vous
cassiez votre tirelire pour en faire l’acquisition car c’est un
livre-objet absolument splendide, que vous prendrez plaisir à
manipuler et à feuilleter et davantage encore à prêter à vos
proches. Sachez par ailleurs, qu’une fois terminé ce livre ne se
range pas dans votre bibliothèque comme un vulgaire livre de poche,
car ainsi relégué il serait condamné à ne dévoiler que son
modeste dos. Non, ce livre est invité à être exposé, à trôner
sur un joli petit chevalet (ou un lutrin, je ne suis pas sectaire),
afin que chaque jour ses ravissantes illustrations flattent votre
rétine. Bon d’accord, je fais légèrement dans l’emphase,
mais vous aurez compris que je suis tombé amoureux de l’objet
autant que de la merveilleuse histoire qu’il contient. J’en vois
déjà qui s’agitent sur leur chaise et tentent de me glisser
subrepticement que Soie n’a rien d’une histoire merveilleuse,
qu’il s’agit d’un roman, certes d’une grande délicatesse et
d’une grande élégance, mais profondément triste et mélancolique.
Oui, c’est vrai, mais je maintiens le terme qui à mon sens définit
le mieux ce roman. Merveilleux sur le plan de l’écriture,
incroyablement maîtrisée et si bien travaillée qu’elle confine à
l’épure, c’est fluide, chaque mot est admirablement choisi et
sonne parfaitement juste. C’est simple, il n’y a absolument rien
à retrancher ni à ajouter. Merveilleux sur le plan de la narration,
qui s’inspire d’une certaine manière des contes et des histoires
de notre enfance, mais avec un ton résolument adulte, c’est très
bien fait et la répétition à quelque chose d’hypnotique et de
rassurant ; Alessandro Baricco y intègre juste quelques petites
variations qui font évidemment toute la différence et la subtilité
du procédé. Merveilleux sur le fond, car si l’histoire est
finalement triste et traversée par un spleen infini, la manière
dont elle est racontée, tout en douceur et en implicite, en font un
très beau moment de lecture car ce qui est triste est parfois aussi
très beau.
Vous aurez sans doute remarqué que,
contrairement à mon habitude, je ne vous ai guère dévoilé les
éléments du récit. J’avoue qu’il s’agit moins de ménager le
suspens que de préserver une histoire qui, étant donnée la
brièveté du roman, ne doit être que très délicatement dévoilée.
Mais levons tout de même quelque mystère. Soie se déroule dans la
seconde moitié du XIXème siècle et raconte l’histoire d’un
certain Hervé Joncour, éleveur français de vers à soie, qui, en
raison d’une maladie qui ravage les élevages européens, doit se
rendre à plusieurs reprises au Japon pour ramener des larves
destinées aux filatures de son village. Ces voyages feront sa
fortune aussi bien que son malheur. Soie est évidemment une histoire
d’amour contrariée, rien de nouveau sous le soleil, mais sa
réussite réside moins sur le fond que sur la forme. Est-ce une
faiblesse ? A mon sens non tant la manière de le faire est en
parfaite adéquation avec le récit mais c’est parfois ce qui
a été reproché au roman d’Alessandro Baricco.
Quelques mots enfin sur les magnifiques
illustrations de Rebecca Dautremer, qui ajoutent une dimension
contemplative au récit, de manière fort circonstanciée et
poétique. Son travail, très photographique dans le choix des
cadrages et des compositions, mais également très inspiré dans les
tons employés par la peinture japonaise, colle parfaitement à
l’histoire et à l’ambiance du roman. L’alchimie est tout
simplement parfaite. L’alliance des deux est une merveille que je
vous invite à découvrir, avec l’innocence et la naïveté des
premières fois si jamais vous connaissez déjà le roman
d’Alessandro Baricco.
6 commentaires:
Rebecca Dautremer est une dessinatrice absolument magnifique, qui nous a donné une version de "Cyrano de Bergerac" splendide et un "bois dormant" de toute beauté. Ce sont pour des découvertes comme celle de Rebecca Dautremer, que je n'aurai jamais eu l'idée de feuilleter sinon, que j'adore le métier de professeure-documentaliste !
On trouve toute sa bibliographie sur son site, et même une page sur la GGGGrande question "Où trouver un livre ?" : https://rebeccadautremer.com/volumes
Cela vous donnera de façon charmante une idée du style de la dame.
Bises, Valérie
Faudrait déjà que je lise "Soie "pour renouer avec les auteurs italiens.
j'accumule les handicaps; lol
Merci Valérie pour les précisions concernant Rebecca Dautremer, je viens de lire son texte absolument délicieux sur les librairies.
Sans doute manques-tu de temps pour lire tout ce que tu souhaiterais Carmen. Comme nous tous.
Oui je pars souvent pour le boulot mais j'emporte toujours quelques bouquins.
Hélas on ne peut pas tout lire.
Si tu as l'occasion,lis "Mr Gwin",de Alessandro Barrico,c'est très beau,mélancolique mais pas triste.Me fait penser au style de Murakami un peu.
C'est noté, merci pour cette suggestion Carmen.
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