Petite chronique éclair pour un roman un peu à part dans la
carrière de Jim Harrison, dans lequel on retrouve relativement peu
d’éléments caractéristiques du reste de son oeuvre, mais qui
réussit pourtant à divertir avec succès son lecteur grâce à un
humour assez bon enfant et un second degré qui frôle le hold-hup.
Imaginez un grand gaillard prénommé John Lundgren, alias Jonny,
alias le Sorcier, amateur de bonne chère et de galipettes
enthousiastes en compagnie de sa magnifique épouse Diana. Sans
emploi depuis qu’il a perdu son job d’analyste financier à 45
000$ par an, Sorcier sombre dans une douce mélancolie parsemée de
brusques changements d’humeur et de phases d’hyperactivité
culinaire. Epuisée par ce mode de fonctionnement alternatif, Diana
lui dégote un nouveau boulot auprès d’un de ses collègues, le
richissime et très particulier Dr Rabun, inventeur de génie de
prothèses médicales, englué semble-t-il dans des placements
hasardeux, une ex-femme pour le moins dépensière et un fils avide
de toucher sa part d’héritage. En charge pour sorcier de mettre de
l’ordre dans les affaires du bon docteur, d’enquêter sur les
différents vols dont il fait certainement l’objet dans ses
participations financières, de mettre un terme aux revendications de
l’ex-femme et à la voracité de son fils exilé en Floride. Un
boulot d’enquêteur privé en somme, qui lui permettra de ramasser
un joli pactole.
Oubliez le Jim Harrison des grands espaces, proche de la nature et
père de personnages complexes et travaillés. Sorcier évolue dans
le registre de la farce bon enfant, dans le seul but de faire sourire
et de divertir le lecteur. La bonne nouvelle c’est que même un
roman mineur de Jim Harrison vole très largement au-dessus de la
mêlée. Certes, son personnage de John Lundgren a toutes les
apparences d’un bouffon des temps modernes. Faussement dépressif
et vaguement instable, bourré de troubles compulsifs plus ou moins
obsessionnels, Sorcier n’est en apparence pas d’une grande
substance. Et on a beau sourire de certaines de ses pitreries, la
plupart de ses frasques nous laisse sans voix et sa propension à
tromper une femme superbe, amoureuse et soucieuse de son bien-être
ne nous laisse pas moins interloqué. La réaction la plus naturelle
serait donc de jeter le bébé avec l’eau du bain et de ne retenir
de ce roman que l’aspect le plus superficiel, celui d’une blague
de potache, une vaste pitrerie qui fut sans doute une belle
récréation pour son auteur. Vous n’auriez pas forcément
complètement tort, mais au-delà de la farce, se cache souvent un
clown triste, un personnage qui dépasse sa frivolité apparente et
interroge forcément. Les interrogations existentielles de Sorcier,
son côté entier et fonceur en font un personnage loin d’être
complètement lisse. Au fond, sorcier est un marginal, un hédoniste
au sens le plus pur, qui refuse les conventions et prend un malin
plaisir à foutre le bordel partout où il passe en mode grand
seigneur. Certes, ce n’est pas du Spinoza ou du Nietzsche, mais
comme philosophie de vie, ça peut se défendre.
5 commentaires:
Un véritable festival pour "Big Jim"..
j'adhère!
Tiens, au passage je lis Nord Michigan et j'aime beaucoup.
Super! On est bien d'accord. C'est un roman simple et beau.
Dans ma PAL
Excellente idée ;-)
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