Avant de devenir le scénariste très en vue de la série True detective, Nic Pizzolatto s’est distingué par la publication en 2010 d’un premier roman fort remarqué, Galveston, récompensé en 2011 par le prix du meilleur roman étranger. Pourtant rien ne prédestinait ce natif de Louisiane, qui s’orientait initialement vers une carrière universitaire, à devenir un des producteurs les plus cotés de la télévision américaine. Une réussite d’autant plus étonnante que True detective était sa première tentative en tant que scénariste et showrunner (pour l’anecdote, Nic Pizzolatto avait initialement envisagé d’écrire une pièce de théâtre, avant de se rendre à l’évidence et de faire de True Detective une série télé). Galveston n’est donc pas le roman d’un arriviste ou d’un parvenu d’Hollywood qui aurait voulu se draper d’une certaine respectabilité en endossant le rôle prestigieux de l’écrivain, mais l’oeuvre d’un auteur qui un beau jour choisit de claquer la porte de l’enseignement pour se consacrer entièrement à l’écriture.
Homme de main d’un truand de la Nouvelle Orléans, Roy Cady se retrouve en l’espace d’une seule journée en très mauvaise posture. Il vient non seulement d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer des poumons, mais il semblerait également que son patron ait décidé de l’éliminer en l’envoyant tout droit dans un piège. Mais l’homme a du métier et réussit à prendre la tangente, moyennant un carnage d’une rare violence. Problème : Roy hérite d’un compagnon de route imprévu, une prostituée d’à peine 18 ans, qui a par miracle échappé au massacre. Qui plus est, la jeune femme insiste pour aller chercher sa petite soeur, confiée depuis la mort de leur mère à un père notoirement alcoolique et irresponsable. Le roman aurait pu se transformer en road movie à travers le sud des Etats-unis, si Nic Pizzolatto n’avait plutôt choisi d’échouer ce trio improbable du côté de Galveston, cité balnéaire du Texas, fréquentée pour ses longues plages de sable par les habitants de la très affairée métropole de Houston, située à quelques encablures.
Inclassable, Galveston ne fonctionne ni comme un polar classique ni même comme un road movie, mais plutôt comme un huis clos centré sur deux personnages écorchés par la vie. Le récit est émaillé d’une galerie de personnages à l’avenant, marginaux et autres paumés, délaissés par une Amérique qui n’a que faire des électrons libres. Admirablement écrit et très bien construit (l’auteur alterne deux périodes bien distinctes de la vie de Roy Cady), Galveston est un roman sincère et touchant, celui de la rédemption d’un homme au seuil de la mort ; un grand méchant au coeur tendre capable de dispenser la mort avec une efficacité peu commune comme de ployer le genou pour satisfaire les besoins d’une petite fille de cinq ans en mal d’affection. Sans véritablement échapper à certains clichés (homme fort, jeune fille en détresse, petite fille adorable…), Nic Pizzolatto réussit le tour de force de s’en emparer pour mieux les contourner et c’est sans doute de cette contradiction que naît une certaine poésie. Un mélange de détresse, de maladresse contenue et de violence qui n’est pas sans rappeler un certain Kitano dans ses plus grands moments.
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