Inconnue des cercles
éclairés de la fantasy, Justine Niogret débarque de nulle-part en
2009 avec un court roman tout à fait étonnant, Chien du heaume, qui séduit immédiatement la critique et, dans la
foulée, les amateurs de bonne fantasy ; même si les esprits
chagrins feront remarquer que la couche fantasy de ce roman demeure
assez légère. Chien du heaume n'est pas un roman
historique pour autant, disons qu'il se situe à l'exacte
intersection de ces deux genres, sans pour autant que cela n'en gène
d'aucune manière la lecture. A vrai dire, on se cogne un peu des
étiquettes, le fait est que le roman de Justine Niogret est tout
simplement bon et que cela est bien suffisant pour qu'il reçoive
toute l'attention qu'il mérite.
Pas franchement jolie,
plutôt solitaire voire taciturne, Chien du Heaume exerce la douce
profession de mercenaire et manie la hache de guerre, qu'il serait
maladroit de confondre avec une simple cognée de bûcheron, avec une
certaine dextérité. Chien n'a pas d'attache et sait peu de choses
de son passé, sa hache de guerre, arme superbement forgée qu'elle a
hérité de son père, est le seul objet qui la relie à son passé.
En quête de ses origines, Chien rencontre un jour un guerrier
redoutable, le chevalier sanglier maître du castel de Broe, avec
lequel elle se lie l'amitié. Sans le savoir Chien vient de poser la
première pièce du puzzle complexe qui constitue son passé, car le
chevalier a un jour croisé la sœur jumelle de sa hache, cette arme
étonnante qu'elle croyait unique. En compagnie du chevalier
sanglier, Chien fera la rencontre de personnages hauts en couleurs,
tantôt étranges tantôt cruels, qui progressivement lèveront le
voile qui recouvre son passé.
Sombre et âpre comme
une poignée de prunelles trop vertes, Chien du heaume est un premier
roman qui force le respect par sa maîtrise formelle, on y sent une
véritable authenticité (malgré deux ou trois anachronismes dont
l'auteure est parfaitement consciente) et on finit par se laisser
porter et séduire par cet emballage austère mais fascinant. Le
texte est très travaillé et regorge de termes et de vocabulaire que
l'on a davantage l'habitude de croiser dans les livres d'histoire,
même si Justine Niogret ne pousse pas le vice jusqu'à employer un
langage emprunté au Moyen-Âge (on serait bien en peine de la suivre
sur ce terrain, même si le concept n'est pas forcément inepte, un
peu comme Russell Hoban l'a expérimenté dans Enig Marcheur),
certaines tournures de phrases évoquent tout au plus la prose
médiévale et confèrent au roman un petit côté exotique qui
tranche avec le langage moderne et anachronique (sic) des
romans de fantasy médiévale plus courants. Ce qui étonne encore,
c'est l’ambiguïté dans laquelle Justine Niogret maintient son
lecteur concernant la dimension fantasy du roman, sans que l'on
parvienne exactement à déterminer si les événements étranges
auxquels Chien prend part sont le fait de ses perceptions, voire de
son imagination, où des règles du monde dans lequel elle évolue.
Chien du heaume
est donc un roman bourré de qualités, mais qui n'évite pas
quelques écueils ; normal pour un premier roman dirons-nous. Au
premier rang de ces griefs, le scénario, quelque peu minimaliste et
pas franchement trépidant, rattrapé par une ambiance absolument
formidable il est vrai. On pourra en outre reprocher à l'auteur de
sous-employer certains personnages dont on se demande au final
l'utilité exacte sur le plan scénaristique ; même si je
reconnais que la Salamandre est un personnage plus que convaincant.
Il n'en demeure pas moins que Chien du heaume est un roman fort
recommandable et, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités, qui
vole bien au-dessus de la production littéraire actuelle en matière
de fantasy historique. A ranger donc sur votre étagère aux côtés
des excellents romans de Jean-Philippe Jaworski ou de Cedric
Ferrand.
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