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mercredi 14 août 2013

Fantasy historique : Chien du heaume, de Justine Niogret

Inconnue des cercles éclairés de la fantasy, Justine Niogret débarque de nulle-part en 2009 avec un court roman tout à fait étonnant, Chien du heaume, qui séduit immédiatement la critique et, dans la foulée, les amateurs de bonne fantasy ; même si les esprits chagrins feront remarquer que la couche fantasy de ce roman demeure assez légère. Chien du heaume n'est pas un roman historique pour autant, disons qu'il se situe à l'exacte intersection de ces deux genres, sans pour autant que cela n'en gène d'aucune manière la lecture. A vrai dire, on se cogne un peu des étiquettes, le fait est que le roman de Justine Niogret est tout simplement bon et que cela est bien suffisant pour qu'il reçoive toute l'attention qu'il mérite.

Pas franchement jolie, plutôt solitaire voire taciturne, Chien du Heaume exerce la douce profession de mercenaire et manie la hache de guerre, qu'il serait maladroit de confondre avec une simple cognée de bûcheron, avec une certaine dextérité. Chien n'a pas d'attache et sait peu de choses de son passé, sa hache de guerre, arme superbement forgée qu'elle a hérité de son père, est le seul objet qui la relie à son passé. En quête de ses origines, Chien rencontre un jour un guerrier redoutable, le chevalier sanglier maître du castel de Broe, avec lequel elle se lie l'amitié. Sans le savoir Chien vient de poser la première pièce du puzzle complexe qui constitue son passé, car le chevalier a un jour croisé la sœur jumelle de sa hache, cette arme étonnante qu'elle croyait unique. En compagnie du chevalier sanglier, Chien fera la rencontre de personnages hauts en couleurs, tantôt étranges tantôt cruels, qui progressivement lèveront le voile qui recouvre son passé.

Sombre et âpre comme une poignée de prunelles trop vertes, Chien du heaume est un premier roman qui force le respect par sa maîtrise formelle, on y sent une véritable authenticité (malgré deux ou trois anachronismes dont l'auteure est parfaitement consciente) et on finit par se laisser porter et séduire par cet emballage austère mais fascinant. Le texte est très travaillé et regorge de termes et de vocabulaire que l'on a davantage l'habitude de croiser dans les livres d'histoire, même si Justine Niogret ne pousse pas le vice jusqu'à employer un langage emprunté au Moyen-Âge (on serait bien en peine de la suivre sur ce terrain, même si le concept n'est pas forcément inepte, un peu comme Russell Hoban l'a expérimenté dans Enig Marcheur), certaines tournures de phrases évoquent tout au plus la prose médiévale et confèrent au roman un petit côté exotique qui tranche avec le langage moderne et anachronique (sic) des romans de fantasy médiévale plus courants. Ce qui étonne encore, c'est l’ambiguïté dans laquelle Justine Niogret maintient son lecteur concernant la dimension fantasy du roman, sans que l'on parvienne exactement à déterminer si les événements étranges auxquels Chien prend part sont le fait de ses perceptions, voire de son imagination, où des règles du monde dans lequel elle évolue.

Chien du heaume est donc un roman bourré de qualités, mais qui n'évite pas quelques écueils ; normal pour un premier roman dirons-nous. Au premier rang de ces griefs, le scénario, quelque peu minimaliste et pas franchement trépidant, rattrapé par une ambiance absolument formidable il est vrai. On pourra en outre reprocher à l'auteur de sous-employer certains personnages dont on se demande au final l'utilité exacte sur le plan scénaristique ; même si je reconnais que la Salamandre est un personnage plus que convaincant. Il n'en demeure pas moins que Chien du heaume est un roman fort recommandable et, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités, qui vole bien au-dessus de la production littéraire actuelle en matière de fantasy historique. A ranger donc sur votre étagère aux côtés des excellents romans de Jean-Philippe Jaworski ou de Cedric Ferrand.