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mardi 17 septembre 2013

Ninjatitude : Les manuscrits ninja, de Futaro Yamada

Immensément célèbre au Japon pour ses romans historiques, dont bon nombre ont été adaptés au cinéma, en manga ou en desssin animé, Futaro Yamada est tout simplement un illustre inconnu dans nos contrées, mais s’il fallait le comparer à un écrivain ce serait sans nulle doute à Alexandre Dumas que l’on songerait. Futaro Yamada est ainsi le créateur d’un véritable univers romanesque, celui des ninjas, qui, à défaut d’être réaliste sur le plan historique, alimente depuis plus de cinquante ans l’imaginaire collectif des Japonais et  des occidentaux. Par son style à la fois léger et dynamique, par son sens du récit et de la narration, par sa capacité à manier l’humour voire l’ironie vis à vis de la société japonaise, Futaro Yamada a profondément modernisé la littérature de son pays. Alors certes, l’auteur japonais n’a jamais prétendu concourir pour le prix Nobel de littérature, mais à sa manière il a donné ses lettres de noblesse à la littérature populaire au Japon. De ses nombreux romans, on retiendra en particulier ceux mettant en scène le célèbre Yagyu Jubei, l’un des plus grands samouraïs (mais dont les techniques de combats sont très proches de celles des ninjas) qu’ait connu le Japon féodal et qui tient une place central dans Les manuscrits ninja, édités récemment par Philippe Picquier en deux volumes séparés (Les sept lances d’Aizu et Les sept guerrières d’Hori)..

1641. A la suite de vexations, de maltraitances et d’actes frôlant la barbarie, les membres du clan Hori, vassal du seigneur du fief d’Aizu, Kato Akinari, se révoltent et s’enfuient avec femmes et enfants. Ils traversent rapidement cet immense fief de 400 000 kokus et passent la frontière sans avoir été obligés de livrer combat contre les troupes de leur daimyo, ils espèrent trouver refuge dans des temples et échapper ainsi à la colère de leur suzerain. Mais c’était sans compter sur la vengeance froide de Kato Akinari, qui réclame réparation auprès du Shogun et obtient l’autorisation de châtier le clan Hori. Le puissant daimyo envoie donc ses plus fidèles samouraïs, les sept lances d’Aizu, traquer et exterminer les traîtres. Les sept guerriers, dont la valeur au combat n’a d’égal que leur cruauté, débusquent rapidement les hommes du clan Hori dans un grand temple bouddhiste de la région et les enchaînent pour les ramener à Edo, lieu de leur exécution publique. Mais en chemin ils font un détour par Kamakura et investissent le temple du Tokeiji, dans lequel les femmes du clan ont trouvé refuge. Les sept lances défoncent la porte du temple, pourtant interdit aux hommes, capturent les femmes et en exécutent une grande partie devant leurs maris, leurs pères ou leurs frères. Sept femmes seulement échappent au massacre grâce à l’intervention inespérée de la princesse Sen, soeur du Shogun. Cette dernière, persuadée que le Shogun n’osera se dédire en punissant Kato Akinari, décide de confier les jeunes femmes à deux personnages dignes de sa confiance, le puissant ronin Jubei Mitsuyoshi Yagyu, maître absolu dans l’art du sabre, et le maître zen Takuan Soho. Les deux hommes devront orchestrer la vengeance des sept femmes Hori. A Takuan la stratégie et l’art de la manipulation, à Jubei la charge de former ces demoiselles à l’art du combat silencieux. Impossible en effet d’affronter directement les guerriers d’Aizu, leur puissance et leur maîtrise des armes ne leur laisseraient aucune chance. Mais en utilisant des techniques de combat issues du ninjutsu, leurs chances de remporter la victoire ne sont plus illusoires.

Ancré dans un contexte historique réaliste, notamment grâce à ses personnages centraux (Takuan Soho et Yagyu Jubei ont réellement existé), mais prenant quelques libertés avec la réalité des faits pour rendre la narration plus romanesque, Les manuscrits Ninja est un roman trépidant écrit à un rythme d’enfer. Résolument moderne dans son rythme et son découpage, la narration est alliée à un style dynamique et léger, mâtiné d’humour voire d’une certaine ironie quant aux traditions ancestrales du Japon (faire endosser le rôle de guerriers sanguinaires assoiffés de vengeance à des femmes n’a rien de commun dans les années soixante). La violence du roman peut également étonner, découpages de membres, massacres collectifs, viols, exécutions publiques, torture… Futaro Yamada ne fait pas dans la dentelle et les amateurs de littérature policée risquent de ne pas adhérer à ce déferlement de scènes d’action, mais à l’heure de l’ultraviolence cinématographique et vidéoludique, nul doute que certains n’y prêteront pas démesurément attention.  Passionnant de bout en bout, malin et généreux en action et en rebondissements, Les manuscrits Ninja est un bon petit roman de cape et d’épée à la sauce japonaise dont on imagine sans peine qu’il ait durablement influencé la culture populaire.

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