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vendredi 31 août 2012

Mars comme si vous y étiez : Voyage, de Stephen Baxter

Tombée quelque peu en désuétude au cours des années soixante dix, après avoir eu ses heures de gloire durant l’âge d’or, la hard science connaît un certain renouveau, grâce à des auteurs comme Greg Egan, Greg Bear ou désormais Stephen Baxter. L’écrivain anglais est devenu un poids lourd dans le domaine de la science-fiction, mais au début de sa carrière il s’est surtout distingué pour plusieurs romans revisitant l’épopée spatiale humaine, au premier rang desquels l’excellent Titan fait figure de coup de maître. Dans Voyage, ce n’est plus le satellite de Saturne que la Nasa tente d’atteindre, mais cette bonne vieille planète Mars qui stimule depuis que l’homme a inventé la lunette astronomique l’imaginaire collectif. Que pourrait-on écrire de bien neuf sur le sujet depuis la publication par Kim Stanley Robinson de son imposante trilogie martienne ? Baxter a sa petite idée sur la question et plutôt qu’écrire une nouvelle saga de terraformation martienne, il imagine une mission d’exploration plus réaliste dans la droite lignée du programme Apollo, moyennant quelques torsions de l’histoire du plus bel effet ; une uchronie un peu light intégralement centrée autour du programme spatial américain et de ses implications politiques et économiques. Un angle d’attaque plutôt bien vu et qui ne manque pas d’originalité.

Afin de justifier la plausibilité de son récit, qui se déroule dans la continuité du programme Apollo sur une vingtaine d’années, Stephen Baxter a habilement modifié quelques éléments de l’histoire américaine ; ainsi Kennedy n’a pas péri dans l’accident de Dallas et continue, y compris après avoir cédé la place à Nixon, à pousser de l’avant le programme spatial américain. Mais la guerre du Vietnam oblige pourtant la nation à revoir ses priorités budgétaires et si la Nasa souhaite lancer un programme martien, elle est vivement incitée à abandonner certains projets couteux. Les sondes Vikings sont annulées et le projet de navette spatiale ne verra finalement jamais le jour. Mais en contrepartie, les chercheurs américains obtiennent les fonds nécessaires pour financer le développement d’un moteur de fusée à propulsion nucléaire. Ce sera la clé de voûte de la mission Arès. C’est la préparation et la réalisation de cette mission unique d’exploration de Mars que le lecteur est amené à découvrir au plus près, puisque l’auteur décrit avec un luxe  de détails l’envers du décor, des tractations politiques jusqu’à la conception du module d’exploration martienne, en passant par l'entraînement des astronautes ou les déboires du développement du moteur nucléaire. A cet effet, Baxter multiplie les personnages et les facettes du programme développé par la Nasa durant quinze ans, tout en alternant deux lignes narratives différentes ; la première suit de manière chronologique le développement du programme Ares (recrutement des astronautes, formation, choix technologiques....) alors que la seconde est centrée sur le déroulement proprement dit du voyage vers Mars. Cette alternance est plutôt bien vue et contribue à dynamiser le récit, tout en préservant un certain suspens.
Mais Baxter n’est pas un auteur de hard science pour rien et son roman est truffé de détails sur les technologies employées, toutes issues de projets et de profils de missions développés dans les années soixante-dix. Rien qui ne soit parfaitement renseigné et documenté, Baxter ne fait que pousser jusqu’à son terme certaines idées développées par la Nasa avant qu’elles ne soient abandonnées pour la plupart, faute de financement et de volonté politique. Il s’en explique d’ailleurs très bien dans une postface tout à fait remarquable, qui fait le point sur les différents projets développés par la Nasa à la suite du programme Apollo. Au point que si l’on fait abstractions des éléments uchroniques et de certains personnages purement inventés pour les besoins du récit, Voyage fait figure de fiction-documentaire de premier choix. A condition évidemment d’être passionné par la conquête spatiale, parce que sur le plan purement formel, Voyage n’est pas nécessairement le roman le plus abouti de l’auteur et ses personnages auraient peut-être mérité un peu plus d’attention. Mais c’est bien là le seul reproche que l’on peut formuler à l’encontre de cette formidable aventure humaine.

vendredi 3 août 2012

Chronique sociale texane version 2 : Texasville, de Laryy McMurtry

Parce que c’est l’été et qu’une immense flemme me paralyse le poignet, mais aussi parce que j’ai déjà abondamment loué les qualités de Larry Mc Murtry, je me contenterai cette fois d’un billet à teneur allégée en matière grasse et donc foncièrement plus court. Texasville est la suite directe de La dernière séance, les principaux protagonistes ont vieilli puisque l’action se déroule une trentaine d’années plus tard. Autre différence, alors que La dernière séance était plutôt centré sur le personnage de Sonny, Texasville offre un contrepoint intéressant en la personne de Duane, son ancien meilleur ami. Duane a fait fortune à l’occasion du boom pétrolier texan avant de se retrouver quasiment ruiné à l’issue du second choc pétrolier et le moins que l’on puisse dire c’est que sa vie est loin d’être un long fleuve tranquille. Son entreprise est quasiment en faillite, sa femme multiplie ouvertement les aventures, son fils aîné est devenu dealer, sa fille cadette est émotionnellement instable et les deux derniers, des jumeaux qui entrent tout juste dans leur phase adolescents pénibles, prennent un malin plaisir à le faire tourner en bourrique. Le pitch du roman (la préparation du centenaire de la ville) est bien évidemment un prétexte pour Larry McMurtry, qui s’offre le luxe une nouvelle fois d’examiner à la loupe la petite communauté un brin loufoque de Thalia. Autres temps autres moeurs pourrait-on avancer facilement, mais il est évident que Texasville prend une dimension sociologique accrue si l’on a lu le précédent roman, qui se déroulait à la fin des années cinquante. La société a depuis très largement évolué et le contraste est tout à fait saisissant, voire amusant, d’autant plus que l’auteur a choisi une perspective un peu plus rocambolesque, forçant légèrement le trait dans le registre tragi-comique pour mieux épingler les travers d’une Amérique en perte de repères. Il y a cependant un élément qui n’a guère évolué : quasiment tout tourne autour du sexe et les histoires de coucheries et de tromperies occupent une bonne partie du texte, sans pour autant tomber dans le graveleux ou le soap opera du calibre de Dallas. Mc Murtry est bien plus fin dans sa description des moeurs un peu légères de ces texans des plaines. Le regard qu’il porte sur la famille américaine est sans concession, mais empreint d’une certaine tendresse. Dommage que le roman soit inutilement long, Texasville aurait gagné en puissance et en efficacité s’il avait été légèrement condensé.